LONDRES 2012 | Jeux Olympiques


London | 2012

On ne peut pas séparer le sport de la logique compétitive imposée aux êtres humains. A l'affrontement sportif correspond la lutte pour la survie, le "struggle for life" du capitalisme.

Les Jeux Olympiques contemporains sont sous stéroïdes, commente le quotidien anglais The Guardian :
« Ils reflètent les changements du monde moderne : des inégalités toujours grandissantes, la montée en puissance des multinationales, l’escalade du complexe de la sécurité domestique et la transition vers des styles de gouvernement plus autoritaires largement obsédés par l'attention mondiale et le prestige de spectacles médiatiques ».

Les JO 2012 à Londres :
un grand événement alibi
du renouvellement urbain
à l'est de la capitale

Londres choisit comme site emblématique pour les Jeux Olympiques d’été de 2012 le quartier de Stratford, dans la banlieue Est de la capitale, c'est ici qu'est construit la pièce maîtresse des Olympiades : le parc olympique où se trouve le grand stade devant accueillir les cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux, les principaux équipements sportifs, et le village olympique, adossé à un grand centre commercial, point principal d'accès au site. Plusieurs autres sites disséminés dans la capitale, pour la plupart déjà existants – le stade de Wembley, Hyde Park, Wimbledon, etc -, complètent le dispositif, mais Stratford sera l’épicentre de l’événement qui se déroulera du 27 juillet au 12 août et du 29 août au 9 septembre pour les jeux paralympiques.

Manuel Appert
Université de Lyon 2
Géoconfluences |  janvier 2012
Extraits



Le 6 juillet 2005, Londres est désignée ville organisatrice des Jeux Olympiques (JO) d’été de 2012. Le projet London 2012 l’emporte face aux autres villes candidates, parmi lesquelles Paris, Moscou, New York et Madrid. Il ne s’agit pas d’une première pour Londres : la ville a accueilli les JO en 1908 et en 1948. Les manifestations s’étaient tenues dans l’ouest de Londres, à Shepherd’s Bush puis à Richmond. Les JO d’été de 2012 seront cette fois organisés à Stratford, dans la banlieue est ainsi que sur plusieurs autres sites disséminés dans la capitale et le reste du pays. Stratford sera l’épicentre de l’événement qui se déroulera du 27 juillet au 12 août et du 29 août au 9 septembre pour les jeux paralympiques.

En dehors du site de Stratford, dans le reste du Grand Londres (voir carte ci-contre en bas), plusieurs sites existants seront mobilisés : les centres d’exposition de Earls Court (volley ball) et de ExCel (multisports), le Dome 02 (gymnastique), le terrain de Lord’s (cricket), le stade et la salle de spectacle de Wembley (football et gymnastique) et les infrastructures de Wimbledon (tennis). Des équipements temporaires sont créés dans le parc de Greenwich (équitation), dans les jardins du palais de Hampton Court (cyclisme) et de Horse Guards Parade (Beach volley ball), ainsi qu’à Hyde Park (triathlon), sur le Mall (marathon) et dans la caserne Royal Artillery Barracks de Woolwich (tir). Au-delà des limites du Grand Londres, des infrastructures sont construites à Eton Dorney (sports aquatiques), Hadleigh Farm (vélo tout-terrain), au Lea Valley White Water Centre (canoé) et à Weymouth (voile). Le circuit automobile de Brands Hatch dans le Kent sera utilisé pour les courses de vélo des jeux paralympiques et les stades de Coventry, Glasgow (Hampden Park), Cardiff (Millenium Stadium), Newcastle (St James’ Park) et Manchester (Old Trafford) accueilleront les épreuves de football [2].


Si la stratégie proposée dans le dossier de candidature est d’utiliser en décor le Londres emblématique, il s’agit surtout de concentrer le village olympique et la majorité des équipements sportifs sur un même site, à proximité du centre-ville. À ce point fort de la candidature s’ajoute le projet de legs olympique qui repose sur une vaste opération de renouvellement urbain de Stratford, banlieue de l’Est londonien en difficulté. Contrairement aux précédentes éditions qui n’avaient suscité qu’une médiatisation et des infrastructures modestes dont il ne subsiste rien aujourd’hui, les JO 2012 mobilisent l’État, le Grand Londres et des acteurs privés pour la construction de grands équipements, d’infrastructures de transport, de logements au sein mais aussi autour du site de Stratford. Le coût total de l’organisation des JO s’élève à présent à 10,7 milliards d’euros [3], un investissement qui dépasse largement la seule organisation de la manifestation.



Le contexte contemporain est bien different, l’événement est devenu mondial et les investissements consentis servent une stratégie de transformations urbaines à plus long terme dans la lignée des projets de renouvellement urbain menés à Barcelone (1992), Sydney (2000) mais aussi Athènes (2004) et Pékin (2008). Les enjeux sont certes le bon déroulement des compétitions sportives, mais aussi et surtout l’élaboration d’un projet urbain qui entend profiter des investissements engagés : le legs territorial. L’aménagement de Stratford s’inscrit alors dans une filiation, celle des projets de renouvellement urbain post olympiques d’Athènes, de Sydney et surtout de Barcelone. La concentration des équipements sur un même site est au service d’une stratégie qui vise à transformer physiquement Stratford à long terme selon l’agenda et la programmation du Grand Londres et de l’État.

C’est de cette stratégie dont il est question dans le présent texte, aussi bien dans sa dimension organisationnelle que dans ses manifestations paysagères et fonctionnelles. Une vaste opération de renouvellement urbain permet à l’État et à la municipalité de Londres de substituer à Stratford, banlieue industrielle en déclin de l’est londonien, un territoire plus compétitif dans le contexte de mondialisation et de métropolisation. Le legs de l’événement révèle alors une planification entrepreneuriale pour une "territorialisation olympique" qui capitalise sur la bonne accessibilité de Stratford tout en niant une grande partie de ce qui constituait son territoire.

Les JO événement et l’agenda du renouvellement urbain de l’est londonien

Dans un contexte de désengagement de l’État débuté sous l’ère Thatcher et poursuivi jusqu’ici, l’urbanisme britannique est devenu négocié. Il se caractérise par une contribution croissante du secteur privé dans l’aménagement et la participation des populations aux processus de décision depuis 2000. Toutefois, face à l’urgence de l’organisation des JO et avec la promesse d’un renouvellement urbain de grande envergure pour justifier les investissements substantiels, les procédures traditionnelles de l’urbanisme vont être bousculées. Pour accélérer le processus de décision et structurer le renouvellement d’un vaste espace qui dépasse largement le seul district de Stratford, la mairie de Londres va devoir compter avec un État très présent, et tous deux dessaisiront partiellement les collectivités locales de leurs compétences d’aménagement.

L’État et le Grand Londres aux commandes

L’État et le Grand Londres sont les porteurs de la candidature londonienne. Deux entités sont créées pour assurer la coordination des acteurs publics et privés : L’Olympic Delivery Authority (ODA) et le London Organising Committee for the Olympic and Paralympic Games (LOCOG). Ce dernier est l’organisme temporaire sous tutelle du gouvernement britannique en charge de l’organisation de la manifestation sportive.

Des aménagements de grande ampleur

La planification des aménagements est importante car la construction de nouveaux équipements et d’infrastructures est nécessaire. L’organisation de l’événement implique directement la création d’infrastructures de transport : extension du métro automatique DLR [8] (Canning Town – Stratford International), reconstruction de la station Pudding Mill Lane et nouvelle modernisation de la gare régionale de Stratford, déjà reconstruite en 2000. D’autres projets prévus par ailleurs mais dont le calendrier ne coïncidait pas avec celui de la manifestation ont été synchronisés : l’extension de la East London Line (ouverte en 2010), l’augmentation de la capacité du DLR (2009), la modernisation de la North London Line désormais incorporée au réseau Overground (2010) [9]. À cela peut être ajouté, comme condition préalable au choix de Stratford, la réalisation de l’ultime tronçon en tunnel de la ligne à grande vitesse entre Paris/Bruxelles et Londres et l’ouverture de la gare internationale de Stratford (2007). Cette gare ne voit pour le moment s’arrêter aucun des trains prévus initialement, ni les services internationaux ni les services RER à grande vitesse pourtant instaurés entre le Kent et le centre de Londres en 2009. Durant les JO, elle sera toutefois desservie par l’Olympic Javelin, une navette ferroviaire qui reliera le site olympique à la gare centrale de St Pancras en 7 minutes et qui permettra d’acheminer vers l’épicentre des manifestations 25 000 personnes par heure [10] (8 trains/heure).


Doivent également être construits les villages des sponsors (centre) et celui des athlètes (Nord-Est) dont la capacité a été fixée à 17 000 lits. Le centre de presse de 80 000 m² qui est situé à proximité du périmètre nord-ouest du complexe servira de base à 20 000 journalistes et techniciens. De nombreux équipements sportifs sont réalisés à Stratford afin de répondre à la stratégie de concentration des lieux de compétition. Les chantiers des stades, piscines olympiques, salles d’entrainement, du vélodrome, des halles de water polo, de basket et de handball, la salle multisports et les pistes d’entrainement sont presque terminés [11].

Initialement, les autorités avaient prévu un budget de 3,4 milliards d’euros. Mais en mars 2007, il est révisé à la hausse : le gouvernement n’avait pas prévu que les travaux seraient assujettis à la TVA. En outre, il a fallu y ajouter un fonds pour les imprévus, soit 60% du coût des infrastructures et, après les attentats de 2005, multiplier par trois le budget sécurité. Le montant total à investir atteint finalement 10,7 milliards d’euros en 2009, un surcoût qui a été difficile à assumer en pleine austérité budgétaire. La contribution de l’État s’élève à 64% du montant total à investir, lorsque la loterie nationale en finance 22% et la mairie du Grand Londres 9%.

Planifier dans l’urgence et dans le contexte de crise

Pour faciliter et accélérer le processus d’aménagement du site olympique, les permis de construire sur le site et ses alentours sont respectivement confiés à l’ODA et à la LTGDC. La municipalité de Newham est donc dessaisie de ses compétences d’urbanisme, siégeant toutefois dans ces organismes ad hoc. Le permis de construire global du site (outline planning permission) a été élaboré, déposé et accordé en 8 mois, alors que c’était l’un des plus importants de l’histoire du Royaume-Uni, preuve de l’urgence de la planification [12]. La course pour déposer les permis de construire spécifiques à chaque équipement s’accélère en 2007-2008 au point que l’ODA annonce même renoncer aux concours d’architecture. Mais, après de nombreuses pétitions initiées par les plus grands cabinets londoniens (dont Norman Foster), des concours vont être finalement lancés. La promesse d’appels d’offres ouverts aux petits cabinets n’est pas tenue, il faut aller vite et ce sont finalement presque exclusivement des consortiums alliant de grands cabinets d’architectes internationaux, des promoteurs et des constructeurs qui sont sélectionnés.

Des coupes sont par ailleurs réalisées. L’architecture flamboyante des équipements sportifs prévue initialement laisse place à des édifices plus modestes disposés dans un vaste parc urbain. Les discours officiels sont alors reformulés : les jeux doivent être les plus durables jamais organisés. Une façon de justifier, contrairement à ce qui avait été annoncé, le recours à des firmes multinationales expérimentées et d’éviter la débâcle de Wembley (2007) ou du Dôme du Millénaire (1999) [13]. La taille des infrastructures est d’abord réduite. Le complexe aquatique est réduit de 50% et le nombre de logements du village des athlètes de 30%. Les équipements sont ensuite conçus temporaires (halles de handball et de basket) ou adaptables (piscine et stade), de sorte que leurs coûts de construction puis de maintenance après les jeux, soient minimisés. Des gradins seront ainsi démontés de la structure de la piscine olympique ainsi que du stade, dont la capacité passera de 80 000 à 30 000 places. La physionomie du complexe olympique ne ressemble donc pas aux concepts et rendus du dossier de candidature afin de respecter le calendrier.

Préparer la gouvernance entrepreneuriale du legs

La planification de l’après-jeux est indissociable de celle de la manifestation puisqu’une partie des réalisations dans et autour du site de Stratford City resteront en place après 2012. L’État et la mairie la confient à l’Olympic Park Legacy Compagny (OPLC) dont la première mission sera d’élaborer un plan d’aménagement à long terme, le Legacy Communities Scheme (LCS). La planification sera conduite en concertation avec la mairie de Londres qui publiera une directive d’aménagement post olympique (Olympic Legacy Supplementary Planning Guidance) ainsi qu’avec les partenaires économiques et la société civile via des procédures de consultation. L’organisme aura ensuite pour mission de superviser la reconversion du village d’athlètes en 2 818 logements (dont 1 379 "abordables" [14]) et de transformer les espaces de circulation durant l’événement en espaces verts. L’OPLC deviendra responsable du parc olympique renommé Queen Elizabeth Park en l’honneur de Jubilé de diamant de la Reine en 2012.

Il s’agira enfin d’assurer le désengagement financier de l’État et de la mairie de Londres en construisant des partenariats publics-privés pour l’exploitation des équipements et pour la construction des îlots résidentiels et commerciaux. Un processus déjà engagé puisque 1 439 logements du village olympique ont été vendus 641 millions d’euros à la famille royale du Qatar et un consortium d’associations d’aide au logement a déboursé 308 millions d’euros pour acquérir les 1 379 logements restant [15]. En temps de crise immobilière, l’ODA n’a donc pas réussi à recouvrir les 1,27 milliards d’euros nécessaires à l’acquisition des terrains et à la construction.

Le bureau de l’OPLC est emblématique de cette gouvernance entrepreneuriale. Il est composé d’urbanistes municipaux, de hauts fonctionnaires, d’entrepreneurs, de membres d’agences de marketing, de financiers et de consultants en événement sportif. Le comité devra, selon les termes de la GLA, "mettre en place des transformations fondamentales tant en termes économiques, sociaux et environnementaux pour réduire l’écart de richesse entre Stratford et le reste de Londres (GLA, 2011, policy 2.4). La gouvernance en place s’assurera de la reconversion de la très grande majorité des terrains en lieux de résidence et d’emploi tout en identifiant quelques espaces industriels à préserver.

Le renouvellement urbain à marche forcée

Depuis 2005, le visage de Stratford change radicalement. Il voit en effet s’imprimer les marques de l’organisation de l’événement. Au-delà des équipements, c’est l’aménagement stratégique du Grand Londres qui prend corps, notamment à travers les opérations de renouvellement urbain dites urban regeneration. L’agenda du groupe d’acteurs réuni dans l’ODA et au sein de l’OPLC est clair : transformer physiquement un espace vaste et faiblement peuplé pour lui permettre de se conformer économiquement et socialement à celui d’une ville globale. Plus concrètement, est entendue la planification d’un ensemble de quartiers, dense, attractif et résolument tourné vers les acteurs internationaux de l’immobilier dans le contexte d’un désengagement financier des pouvoirs publics. La vente du village olympique, avant même qu’il ne soit occupé et la commercialisation des projets de Stratford au MIPIM [16] en attestent. Stratford, qui est décrit dégradé, en déclin, mais accessible, doit être transformé en un nouveau centre majeur à l’échelle métropolitaine (Metropolitan centre), fonctionnellement mixte, dense et durable.

Le programme de rénovation urbaine et d’équipement est ainsi relativement conforme aux autres opérations d’aménagement menées dans le Grand Londres depuis 2000. Depuis la publication du premier London Plan en 2004, la municipalité du Grand Londres a identifié des zones à réaménager en priorité : les opportunity areas. Ces espaces qui ont en commun un niveau élevé de précarité et/ou un niveau d’accessibilité important, doivent assurer (et/ou absorber) l’essentiel de la croissance de la ville durant les vingt prochaines années. Contrainte spatialement par une ceinture verte, Londres mise sur une croissance urbaine compacte, faiblement consommatrice d’espace et d’énergie. Le principe est alors de densifier ponctuellement les nœuds de réseaux de transports collectifs pour minimiser les déplacements motorisés.

Dans ces plans, les transformations paysagères jouent un rôle performatif, instrumentalisées par des stratégies de mise en marque (branding) des lieux. Les transformations morphologiques signalent en effet une transformation fonctionnelle qui doit renforcer l’attractivité des lieux dans le contexte d’une concurrence inter-territoriale. Plutôt que de rechercher prioritairement l’amélioration des conditions de vie de la population en place, l’objectif est de greffer un nouveau morceau de ville plus adapté à la mondialisation. Comme beaucoup d’autres opérations de renouvellement urbain menées à Londres, elle suit une logique descendante (top-down) malgré le tournant participatif des années 2000.

Les opérations reposent pour l’essentiel sur des investissements "durs", infrastructures, bâtiments, équipements et traitement des espaces publics, plutôt que sur des actions sociales, culturelles et organisationnelles (mobilisation des groupes d’acteurs locaux) qui viseraient à faire émerger des dynamiques d’innovation et de croissance des territoires en difficulté. En cela, les capacités des acteurs locaux, individus, groupes, élus et experts, sont peu prises en compte par le consortium d’aménageurs. Le renouvellement urbain facilite même au contraire une gentrification par les promoteurs dans la mesure où les quotas de logements sociaux sont négociables et où leur construction peut être éloignée des immeubles vendus ou loués au prix du marché (New-build gentrification [17].

Stratford, Docklands et Thames Gateway : filiation et complémentarité

À certains égards, la planification du legs olympique est comparable à l’opération de transformations physiques et fonctionnelles des Docklands. Dans les deux cas, les collectivités locales se sont vu confisquer leurs prérogatives d’aménagement. Elles diffèrent cependant dans la mesure où la recentralisation de l’aménagement se fait désormais moins au profit de l’État que du Grand Londres. Les Docklands ont été en grande partie aménagés par le secteur privé dans le cadre d’une Unitary Development Corporation (UDC, 1981-1997). Ce dispositif d’aménagement reposait sur un leadership fort de l’État et des investissements essentiellement privés. Le gouvernement britannique dirigé à l’époque par M. Thatcher, fournissait alors terrains et infrastructures de transport aux promoteurs qui disposaient de surcroît d’exonérations fiscales. Force est de constater que dans cette vaste opération, seul Canary Wharf, le quartier d’affaires qui accueille de nombreuses institutions bancaires, a connu, in fine, un franc succès (100 000 emplois). Il est cependant resté un îlot de création de richesse dans un océan de précarité (voir la carte de l'indice de précarité infra).
En modifiant l’image de Stratford par une transformation radicale de sa physionomie et de ses fonctions, le Grand Londres entend faire du district une nouvelle centralité exemplaire à l’échelle de la métropole. Les considérations ne sont donc pas locales, mais régionales.
Le projet olympique et son legs consistent en effet à ancrer spatialement un pôle de croissance dans Thames Gateway (TG), le plan de rééquilibrage de la ville vers l’est, en difficulté. Thames Gateway qui couvre trois régions, le South-East, l’East et le Grand Londres, soit dix-neuf municipalités (ODPM, 2005), doit impulser un développement dense et durable de l’estuaire de la Tamise. TG résulte d’un mouvement d’intégration multiscalaire et multisectoriel de l’aménagement stratégique (Greenwood et Newman, 2010). Sa gouvernance est donc complexe du fait de la multiplicité des acteurs, y compris si l’on ne considère que la partie londonienne du méga projet. Le nombre élevé d’acteurs impliqués aurait eu pour effet de complexifier la concertation et de limiter le nombre de réalisations sur le terrain. Seule une fraction des 180 000 logements projetés a vu le jour et une part des 200 000 emplois ont été créés depuis sa mise en place. L’organisation des JO, comme événement incitant à la coordination des acteurs et à la concentration des investissements, est donc une aubaine pour la mairie de Londres qui mise sur Stratford pour redynamiser TG. D’un point de vue géopolitique, en insistant sur le legs de l’après jeux (document ci-dessus) dans la candidature, la mairie de Londres a fait coup double : trouver les moyens politiques et financiers pour créer un nouveau pôle de croissance sur son territoire de compétences et rééquilibrer le portage d’une partie de Thames Gateway en sa faveur.

Déterritorialiser Stratford

Stratford représente une opportunité pour envisager un renouvellement urbain en adéquation avec l’agenda des acteurs publics et privés de la gouvernance néo-libérale du Grand Londres. "Après les JO, on assistera à la création d’un nouveau quartier urbain pour l’Est de Londres, la plus importante opportunité à saisir pour des entreprises de stature internationale, entrepreneurs et investisseurs" (OPLC [18]) Le potentiel de développement urbain anticipé est en effet le plus important depuis l’opération des Docklands. Mais les pouvoirs publics doivent justifier l’investissement financier nécessaire, qu’il s’agisse de la taxe locale de 23 euros prélevée par la mairie de Londres, les 2,8 milliards de la loterie nationale et les 6,9 milliards d’euros fournis par l’État central (Evans, 2010).

La mise en scène du renouvellement urbain de Stratford

Il s’agit alors de capitaliser sur la bonne accessibilité des lieux, sur l’abondance des terrains jugés sous-utilisés et sur l’affaiblissement territorial de Stratford dont on anticipe peu de résistances. Stratford est desservie par l’autoroute A12, 3 lignes de métro, 3 services ferroviaires et elle est traversée par la ligne TGV entre le tunnel sous la Manche et Londres depuis 2007. Le site est ainsi à moins de 15 minutes de la City, 7 minutes de la gare de St Pancras et à 10 minutes de Canary Wharf via la Jubilee Line ouverte en 2000. La présence de vastes friches ferroviaires offre un foncier facilement mobilisable pour un grand projet urbain qui serait difficilement réalisable par le seul secteur privé. Enfin, la population de Stratford est hétérogène, pauvre et politiquement peu mobilisée. Elle est aussi peu qualifiée et vit, pour partie, dans des logements et dans un environnement dégradés.

Il faut ensuite légitimer le projet. Les pouvoirs publics vont alors scénariser la capacité du projet olympique à améliorer les conditions de vie et la compétitivité à Stratford. Une mise en scène effectuée par des discours qui revisitent l’histoire récente de Stratford pour n’en retenir que le déclin. Le champ lexical de l’obsolescence et de la dégradation est mobilisé : friches (wasteland), déclin (decline). Une stratégie qui est facilitée soit par la mauvaise image de Stratford soit par une méconnaissance des lieux par la population du Grand Londres. Une campagne visant à nier le territoire de Stratford est ainsi orchestrée par le Grand Londres dès 2004, avant même l’obtention des jeux. La désindustrialisation est exagérée comme l’atteste la tentative initiale d’exproprier 300 entreprises en 2006. Le rôle des activités logistiques et des dépôts ferroviaires est minimisé. Au Clays Lane Estate mille personnes sont expulsées.

Enfin, le taux de chômage élevé des jeunes, le faible revenu des ménages, l’importante population immigrée et la forte proportion de logements sociaux sont instrumentalisés pour illustrer la précarité des lieux, ces maux étant corrélés implicitement dans les discours officiels à une forte criminalité et à la dégradation du lien social.

Des initiatives locales dès les années 1990

Déjà en 1982, les autorités du Grand Londres (le Greater London Council à l’époque) envisageaient une candidature de la ville aux JO. Les alentours de Stratford étaient alors identifiés comme site potentiel pour accueillir la manifestation, qui, à ce moment là, ne supposait pas des équipements de l’ampleur que nous connaissons aujourd’hui. Finalement la ville ne candidata pas et Séoul obtint les jeux d’été de 1988. Entre 1981 et 1993, Stratford reste relativement à l’écart des opérations d’aménagement de Londres. Les transformations économiques, sociales et politiques suscités par l’équipement des Docklands, à quelques kilomètres plus au sud, ne se diffusent pas dans sa direction.

Stratford connaît alors une trajectoire économique déclinante comparée à celle du reste de la métropole. Le péricentre de Londres et les Docklands redeviennent les points de focalisation de la croissance économique et démographique entre 1993 et 2008. L’expansion des services aux entreprises et de la finance y redynamise les marchés du travail et de l’immobilier. La pression est forte sur le centre et c’est à partir de ce moment là que le péricentre accueille de nouvelles populations, de nouveaux équipements. La gentrification s’accélère ensuite plus à l’est, atteignant Whitechapel, Limehouse et Bow, sans jamais véritablement franchir la rivière Lea, en direction de Stratford. Il faut attendre alors les années 1990 pour que des initiatives émergent. Le débat sur la phase 2 de la ligne à grande vitesse (LGV) entre le continent et Londres (1992-1995) va en effet inciter les acteurs économiques et politiques locaux à se mobiliser pour tenter de convaincre l’État de la pertinence d’une gare internationale à Stratford.

Le lobbying du Stratford Promoter Group convainc le gouvernement conservateur acquis aux vertus des partenariats publics-privés. Les acteurs ont en effet montré qu’unis et coordonnés par une municipalité de Newham convertie à la cause des promoteurs, ils pouvaient maximiser l’impact territorial d’une gare sur la LGV. Cette nouvelle gouvernance orientée vers la mise en compétitivité du territoire a pu alors instrumentaliser conjointement l’accessibilité et l’abondance de terrains pour imaginer une dynamique dans laquelle le secteur privé serait l’aménageur. C’est par anticipation des transformations associées à la LGV que la gare de Stratford est reconstruite en 2000.

Du hub stratégique ferroviaire au centre industriel résiduel

L’histoire de Stratford est intimement liée à celles des chemins de fer de l’Est londonien. Les ateliers de la compagnie Eastern Counties (ECR) repris plus tard par Great Eastern Railways (GER) ont ouvert à Stratford en 1839. Les premières infrastructures sont construites sur ce qui était des marais entre les bras de la rivière Lea (carte ci-contre). Le développement du chemin de fer s’y accélère dans la deuxième partie du XIXe renforçant la position centrale de Stratford à la croisée des lignes Londres-Cambridge et de celles menant aux docks alors en pleine expansion. Ce nœud ferroviaire devient un centre de maintenance et de dépôt du matériel et des véhicules, puis un lieu de production de locomotives et de triage des marchandises. Le système ferroviaire marque l’espace : dépôts de plusieurs centaines de mètres de long, halles de réparation et voies ferroviaires couvrent près d’une centaine d’hectares. Parallèlement, l’urbanisation résidentielle se structure à partir de l’axe qui relie Stratford à Londres. Autour du petit faubourg, New Town est construite pour héberger les employés du transport ferroviaire. L’urbanité de Stratford s’affirme encore davantage par la construction de l’hôtel de ville (1869), du marché (1879) et d’un théâtre (1884). Mais l’activité de dépôt ferroviaire va diminuer au cours du XXe siècle de façon concomitante au déclin du port de Londres et de l’empire britannique.


Le dépôt principal ferme en 1963, celui consacré aux véhicules diesel cesse son activité en 1991. Ne subsiste alors jusqu’en 2007 que le centre de maintenance de la compagnie de fret ferroviaire EWS et celui de Railtrack, l’entreprise nationale propriétaire des infrastructures ferroviaires. Les dépôts de la ligne de métro Jubilee Line, au sud, ainsi que celui de l’Eurostar, au nord, à proximité du nouveau marché de Spitalfields, respectivement ouverts en 1999 et en 2007, maintiennent une partie de l’activité. Le stockage et le triage des marchandises résistent aussi jusque dans la décennie 2000. Ces activités occupent des locaux plus modernes dans la partie nord de l’espace abandonné par les anciennes gares de triage. Le centre international de fret ferroviaire ouvert en 1967 assure le groupage et dégroupage des marchandises entre Londres et le nord-est du pays ainsi que les acheminements postaux. Son maintien est lié à son adaptation au transport de conteneurs et à la construction d’un centre de stockage frigorifique à proximité .

Avec la crise de 1929 puis les bombardements de la seconde guerre mondiale qui ont marqué Stratford, ultérieurement avec l’accélération de la désindustrialisation et la fermeture des docks de 1960 à 1981, le chômage s'est installé, précarisant une proportion de plus en plus importante de la population. La physionomie de la ville a changé significativement lors de la période de reconstruction d'après-guerre. Le cœur de Stratford (l’actuel Stratford Centre) est alors l’objet d’un vaste programme moderniste qui vise à offrir sous un même toit, bureaux, commerces et administrations. Ces édifices terminés en 1974 sont séparés du reste de la ville par des voies routières à grand gabarit (A118/A11) et par un giratoire difficilement franchissable pour les piétons. En rationalisant les circulations pour adapter la ville à l’automobile, l’espace devient plus imperméable, les détours imposés aux piétons se multiplient à travers passerelles et tunnels. Des cités de tours, barres et petits immeubles collectifs sont construits sur d’anciennes cités victoriennes bombardées tel que le Carpenters Estate (1968) au sud-ouest de la gare régionale. La modernisation concerne aussi la structuration des réseaux électriques. Des lignes à haute tension acheminent l’électricité des centrales thermiques de l’estuaire vers la métropole et les industries de la vallée de la Lea. L’ouest de Stratford n’est alors pas jugé suffisamment urbain pour que pylônes et lignes soient enterrés.

Les cinquante dernières années marquent le glissement d’un Stratford ferroviaire et stratégique à un espace à rayonnement local industriel, commercial et administratif. Elles se caractérisent aussi par une dégradation de l’environnement (contamination des sols) et du paysage dont la lisibilité est devenue complexe. Stratford devient ainsi paradoxalement très connectée au centre de Londres mais s’en éloigne fonctionnellement, morphologiquement et symboliquement. Pour autant, l’activité industrielle et logistique représente toujours une part relativement importante des emplois fournis localement. Ce caractère a été volontairement occulté par la scénarisation du renouvellement urbain. Et il faudra attendre la vague d’expropriation (2006-2007) et en réponse la mobilisation des entreprises implantées dans les parties ouest et sud du site olympique, pour que le véritable portrait économique des lieux soit dressé : 209 entreprises employant près de 5 000 personnes sont expropriées (Gamesmonitor). Ce sont des artisans du bâtiment, des grossistes, des réparateurs de voiture, des fabricants d’emballage, des imprimeurs… et même un fumeur de saumon ! 996 emplois ont été délocalisés à l’extérieur de Newham, l'arrondissement (borough) dont Stratford fait partie, et des arrondissements limitrophes et 284 hors du Grand Londres. Ces chiffres sont bien entendus sans commune mesure avec le million de résidents expropriés lors de la préparation du site olympique de Pékin, mais indiquent aussi que Stratford était loin d’être une friche.

Une population défavorisée

Par les mêmes procédures d’expropriation (Compulsory Purchase Order), ce sont 1 000 personnes qui ont dû quitter le site olympique. C’est le cas des 450 résidents du Clays Lane Estate et des 500 gens du voyage du campement situé au nord du site olympique. Le cas du Clays Lane Estate, quartier de logements en coopérative destinés aux personnes vulnérables, (handicapés et personnes en réinsertion), est emblématique. Menacés par le transfert de la gestion du quartier à une grande association d’aide au logement (Peabody Trust) en 2003, les résidents menacent de poursuite le gouvernement et demandent que leur relogement soit réalisé en groupe pour maintenir la cohésion sociale qui s’était instaurée. Ils sont expropriés en 2007 et leur relogement ne sera pas groupé car les municipalités de Newham, Tower Hamlets et Waltham Forest ne disposaient pas d’un nombre suffisant de logements sociaux disponibles.

Malgré les expropriations, la population du district de Stratford était de 12 300 habitants en 2001 et de 15 500 selon les estimations de 2010. Stratford appartient à l’arrondissement de Newham qui comptait 244 000 habitants en 2001. Newham est avec Hackney et Tower Hamlets, tous trois à l’est, l’arrondissement dans lequel la précarité est la plus élevée. L’indice synthétique de précarité est devenu un instrument de mesure des inégalités socio-spatiales et de leurs dynamiques [19]. Il range les unités de recensement selon leur degré de précarité à l’échelle régionale ou nationale. C’est souvent à l’aune de l’évolution de cet indicateur que les incidences socio-spatiales des politiques urbaines sont jugées. À l’échelle du Grand Londres, les concentrations les plus importantes sont observées dans le péricentre de la ville (Inner London), particulièrement à l’est. Stratford et plus généralement Newham cumulent les handicaps par rapport aux quartiers aisés du centre ou de la couronne extérieure (Outer London).


La précarité sociale est particulièrement aiguë à Newham. Elle concerne l’emploi, les revenus et le logement. Le chômage frappe toujours, reflet d’un manque de qualifications des actifs locaux et d’une inadéquation aux emplois créés ces 15 dernières années. Un tiers d’entre eux est sans diplôme contre un quart dans le Grand Londres. Une part plus importante de la population est sans emploi, hors marché du travail. Partiellement corrélée à l’emploi, la précarité liée aux revenus se concentre aussi plus intensément à Newham où la majorité des enfants vivent dans des ménages pauvres. La population est très diverse, seuls 10% des enfants scolarisés ne sont pas issus d’une minorité ethnique. Le turn-over de population est très élevé, plus de 20% de la population ne résidait pas dans le district l’année précédente.

Newham est, comme les arrondissements voisins, un lieu d’installation privilégié pour les immigrés. D’origine africaine, caribéenne, indienne, pakistanaise, bangladeshi, la population de Newham s’est encore plus diversifiée ces dix dernières années avec l’arrivée de populations d’Europe centrale et orientale. Il s’agit de la face pauvre de l’immigration dans la ville globale, les ressortissants américains, français, australiens s’installant eux prioritairement dans l’ouest de la capitale.

La pression sur les marchés de la vente et de la location immobilières a été, comme ailleurs dans Londres, si forte que les prix ont connu une très forte augmentation depuis 2000 (+150%). Le logement social se fait de plus en plus rare depuis le right-to-buy si bien que 36 000 ménages sont inscrits sur liste d’attente de logement.

Le problème du logement est d’autant plus aigu que la proportion de ménages de grande taille à Newham est supérieure à la moyenne londonienne. Ils sont alors souvent contraints de louer des logements de qualité médiocre ou trop petits. La dynamique de la population laisse apparaître une croissance soutenue dès 2001, après une longue phase de baisse, comme dans le reste du péricentre de Londres. Entre 2005 et 2009, la vallée de la Lea, à l’ouest et au sud de Stratford enregistre des gains supérieurs à la période précédente. Le gain net de population est lié d’une part à la relative jeunesse de la population et d’autre part à la livraison de nombreux programmes immobiliers associés à des opérations ponctuelles de renouvellement urbain dans Thames Gateway.



La partie septentrionale de Newham où se trouve Stratford n’a pas enregistré de vagues importantes de gentrification, même si les dynamiques récentes indiquent un frémissement. Jusqu’au début des années 2000, très peu de promoteurs se risquaient à proposer des projets résidentiels compte tenu de l’image du district. L’évolution relative des prix des logements est un des indicateurs de la gentrification. Entre l’obtention des JO en 2005 et en 2009, les prix des logements à Stratford ne se sont pas appréciés autant qu’aux abords nord et est de la City. À proximité du centre d’affaires, la gentrification s’est manifestée depuis la fin des années 1990 à Hoxton et à Spitalfields. Elle se diffuse aujourd’hui plus à l’est en direction de Canary Wharf et surtout vers le nord, autour des opérations de renouvellement urbain à Hackney. Stratford est (encore) en marge de ce processus du fait de la distance physique, mais aussi symbolique qui la sépare de la City. Plus à l’est et au sud, les prix ont même baissé, si bien qu’on assiste finalement à une polarisation de la dynamique des prix entre le centre et la périphérie de Londres. Mais au début de la décennie 2000, quelques programmes immobiliers sont livrés à proximité de la gare régionale de Stratford.





LE NOUVEAU STRATFORD

Le renouvellement urbain, orchestré par les acteurs politiques pour les acteurs économiques, se traduit par une nouvelle territorialisation de Stratford. La prise de possession des lieux par le Grand Londres et par l’État leur permet d’y déployer un programme entrepreneurial pour faire de Stratford un pôle de redynamisation de l’Est londonien. En offrant aux investisseurs, promoteurs et futurs occupants, un nouvel environnement nettoyé, plus neutre, au risque de la rupture avec l’ancien Stratford, mairie de Londres et État entendent minimiser les risques financiers pris par les acteurs privés et réduire leur propre exposition après les JO. Dans le cadre d’un aménagement négocié, la minimisation des risques et la maximisation de la rentabilité financière des opérations immobilières incitent promoteurs et investisseurs à se tourner vers des logements chers et des surfaces commerciales pour chaînes internationales hors du centre ancien de Stratford. Le renouvellement urbain engagé revient finalement à marquer le déplacement de la centralité, de l’espace urbain fragilisé vers le pôle commercial régional. Ainsi, au lieu d’une recomposition et d’un renforcement de l’actuel centre historique de Stratford, les opérations d’aménagement ont conduit au dédoublement de la centralité par l’émergence d’un nouveau cœur au nord-ouest de l’actuel centre-ville.

Un pôle commercial pour l’est de la métropole

Sur le terrain, le centre de gravité de Stratford est déplacé, d’une part et de façon coordonnée, vers le nord-ouest, sur le site olympique, et d’autre part et de façon plus spontanée, vers le sud-ouest. Les fonctions de ce nouveau Stratford sont résolument métropolitaines, au risque d’une marginalisation du centre-ville, des quartiers résidentiels populaires et des zones d’activité économique préexistantes (Carte ci-dessous). Un nouveau Stratford résolument "métropolitain" est né du site olympique et de Westfield Stratford City, le grand centre commercial ouvert en septembre 2011.



L’incorporation de Westfield, le nom de la firme australienne, dans la dénomination officielle du nouveau quartier commerçant à l’entrée du site olympique révèle la privatisation de l’espace et le poids laissé au secteur privé pour construire physiquement et symboliquement le nouveau Stratford (encadré infra). En position stratégique entre les gares régionale et internationale, le centre commercial se place au cœur du nouveau pôle métropolitain. Sa programmation est antérieure à l’obtention des JO mais il fut ensuite incorporé au projet olympique. Imaginé dès 1998, c’est en 2004 qu’un permis de construire est déposé auprès de la municipalité de Newham. Il s’agit de la plus importante autorisation jamais demandée dans le Grand Londres depuis 1940 portant sur 73 ha, 465 000 m² de bureaux, 4 850 logements, 140 000 m² de surface commerciale et 2000 chambres d’hôtel. Le consortium Chelsfield, Stanhope et London & Continental Railways financent le projet et en espèrent une livraison entre 2009 à 2016. Le consortium repose sur la complémentarité : London & Continental Railways est propriétaire des terrains ferroviaires, Chelsfield et Stanhope sont des promoteurs spécialisés respectivement dans les centres commerciaux et les bureaux. Le plan masse du site est confié au cabinet international d’ingénierie ARUP, assisté par le cabinet d’architectes Fletcher Priest. Si Newham donne le feu vert, c’est avec la recommandation du Grand Londres et de l’Office for the Deputy Prime Minister (aujourd’hui le Department for Communities and Local Government [20]), qui voient avec ce projet la possibilité d’ancrer enfin l’opération d’aménagement Thames Gateway.

En 2006, Chelsfield et Stanhope vendent le projet à Westfield, le plus grand propriétaire et exploitant de centres commerciaux du monde. Un nouveau permis de construire est alors déposé, suivi de plusieurs amendements qui visent à réduire légèrement sa taille et à remplacer la construction des 4 850 logements prévus par les 2 819 logements du village olympique. À l’inverse, la surface commerciale est augmentée et les bureaux envisagés sont reportés dans des phases ultérieures, à l’exception de l’immeuble construit sur le centre commercial qui hébergera le comité olympique britannique après les JO. Dans ces nouvelles phases de négociation avec l’ODA et sans que Newham qui a été dessaisie par la gouvernance temporaire des JO ne puisse véritablement peser dans les négociations, des modifications sont apportées aux accès du nouveau centre commercial, le Westfield Stratford City. L’architecture est aussi simplifiée et les 5 000 places de stationnement sont maintenues en surface sur plusieurs niveaux. Le centre commercial comprend 175 000 m² de surface commerciale, ancré par trois grands magasins (Waitrose, John Lewis et Marks and Spencer), un cinéma multiplexe, deux hôtels totalisant près de 600 chambres. Le propriétaire et exploitant dégage un profit de 345 millions d’euros dès l’ouverture du centre commercial et se sépare de 25% du centre qui est vendu au consortium constitué de grands fonds de pension européen (APG) et canadien (CPPIB). Une opération immobilière très lucrative pour Westfield. Le jour de son ouverture, 200 000 personnes [21] ont fréquenté le centre commercial, le premier signe d’une attraction qui dépasse largement les environs immédiats de Stratford.

Westfield Group (WDC) est un groupe australien, le plus grand gestionnaire de centres commerciaux (shopping centres) au monde en termes de capitalisation boursière. Il en contrôle 124 au total fin 2011, principalement en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis en s'assurant de solides positions sur les marchés locaux fondées sur la diversification économique (loisirs, restauration, etc.) et géographique.

Le dernier né des centres commerciaux (50% au groupe Westfield, 25% au fonds hollandais APG et 25% pour le Bureau d’investissement du plan de retraite du Canada), situé à Stratford, à proximité du site des JO de 2012, a ouvert ses portes le 13 septembre 2011. Il apparaît alors comme le plus grand complexe de ce genre en Europe. Environ 70% des 10 millions de spectateurs attendus devraient passer par Westfield Stratford City pour se rendre au Parc olympique durant les Jeux.

C'est un centre commercial et de divertissement de 180 000 m² environ qui accueille des locataires de poids comme John Lewis, Marks & Spencer et Waitrose. Il dispose d'un cinéma de 17 écrans, d'un casino, de plus de 300 boutiques et de 50 restaurants, de 3 hôtels. La direction du groupe veut en faire un centre commercial d’envergure régionale et mondiale, à l'attrait touristique durable, même après les JO.

Stratford marginalisé

De l’autre côté du faisceau ferroviaire, au sud-est, les commerçants du Stratford Centre sont inquiets. Le centre commercial qui ancrait l’attraction du vieux Stratford se trouve concurrencé par une partie des commerces de Westfield Stratford City. Officiellement annoncé comme complémentaire en proposant une gamme de commerces de chaînes peu présente dans l’est de la capitale, le propriétaire du nouveau méga centre commercial a dû modifier sa stratégie commerciale face à la crise. Les autorités locales affaiblies face à ce mastodonte n’ont pu peser lorsque Westfield a ainsi décidé de dédier une partie de sa surface de vente à des commerçants locaux et indépendants. L’attraction de l’ancien centre-ville de Stratford reposait essentiellement sur son offre commerciale et ses services administratifs. C’est donc une de ses fonctions polarisantes qui est menacée.

Deux aménagements sont de plus venus modifier le paysage. Le premier résulte de l’amendement au permis de construire du centre commercial qui autorise le promoteur à construire, en les finançant, des cheminements pédestres directs, en souterrain, entre les quais de la gare et le centre commercial. Les visiteurs qui arrivent pour l’essentiel en transports collectifs sont donc conduits "plus naturellement" vers Westfield Stratford City. Le deuxième est la création d’un vaste mur de métal aux motifs floraux pour cacher l’ancien centre commercial des années 1970 trop visible depuis la gare et ses quais. Ces deux aménagements contribuent à réduire le champ de visibilité sur le centre-ville depuis les principaux cheminements, et simultanément, à canaliser les flux vers Westfield Stratford City. Les néons et enseignes publicitaires qui arborent le centre commercial permettent enfin de hiérarchiser les éléments du paysage de nuit. Le promoteur s’est ainsi assuré de placer la focale sur son complexe, au détriment, même si cela n’est vraisemblablement pas volontaire, du centre de Stratford.

Des stratégies d’adaptation tardives face aux promoteurs

Ce dédoublement de centralité intervient sans que l’ancien centre et les périphéries plus à l’est puissent s’adapter. L’ODA et la LTGDC, qui ont géré une multitude de permis de construire dans la course à l’organisation de l’événement, n’ont pas suffisamment pris en compte les implications locales de toutes ces transformations. D’après nos estimations élaborées à partir des 35 permis de construire les plus importants autour du site olympique, environ 300 000 m² de logements ont été livrés entre 2005 et 2011. Une dynamique de transformation qui n’a fait l’objet d’aucune réelle coordination. Il faut en effet attendre le printemps 2011 pour que la London Thames Gateway Corporation, élabore des plans masses [22] couvrant ces zones. L’effort de planification arrive bien tardivement et doit composer avec une dynamique de renouvellement urbain spontanée le long de l’A11 .

La stratégie spatiale de l’arrondissement de Newham révèle les inquiétudes des activités et des associations de commerçants en place. Lors de la phase de consultation, le propriétaire du centre commercial Stratford Centre souhaite qu’une complémentarité soit créée entre le nouveau et l’ancien Stratford. Newham accède à cette demande mais faute de moyens financiers les actions envisagées ne sont pas à la hauteur des transformations de Stratford. D’une part, les collectivités locales ont peu d’autonomie financière car les impôts locaux sont centralisés dans les caisses de l’État et redistribués au prorata de la population résidente. D’autre part, le système des contributions financières obtenues auprès des promoteurs, qui permet ailleurs dans Londres de financer services sociaux, renouvellement du mobilier urbain et arrêts de transports en commun, n’a permis de dégager que 6,9 millions d’euros pour la collectivité alors que 42 millions étaient escomptés.

Ce faible montant s’explique par les incessantes renégociations des promoteurs, qui, avec la crise, ont cherché à accroître la rentabilité de leurs programmes pour obtenir les prêts bancaires nécessaires. Les banques, devenues réticentes, ont en effet durci leurs critères de prêt pour minimiser leur exposition à des investissements qu’elles jugent risqués. Peter Minoletti, directeur de la LTGDC qui négocie au nom des municipalités les contributions des promoteurs ne peut qu’admettre l’impuissance de sa structure. Selon lui, la prise en charge par les promoteurs de la décontamination des sols limite leur contribution à la collectivité.

C’est vers des prêts de l’État que la LTGDC se tourne pour financer ses mesures d’accompagnement (36 millions d’euros en 2010/2011). LTGDC n’a pas donc pas les moyens de financer des équipements et se contente essentiellement de requalifier la High Street de Stratford (A11), théâtre de l’essentiel de transformations hors du site olympique.

Du côté de la municipalité de Newham, les opérations sont encore plus modestes. Le centre-ville n’est actuellement l’objet que d’une campagne de marketing urbain en attendant une requalification du centre-ville qui tarde à venir. Une nouvelle dénomination, Stratford Central, annonce la piétonnisation du centre-ville et l’amélioration de son accès par la remise à double sens du giratoire qui l’encercle. Une opération qui vise finalement à compenser les aménagements associés à Stratford City. Le manque de concertation est ici flagrant. D’un côté, le promoteur a obtenu de Newham, qui n’avait certes pas le choix, d’améliorer l’accès et la visibilité de son centre commercial. De l’autre, c’est cette même municipalité qui doit ensuite financer les mesures qui doivent minimiser l’impact de Westfield Stratford City sur le centre-ville de Stratford. Nous sommes bien loin d’un urbanisme théoriquement négocié qui reposerait sur la contribution du privé pour compenser et/ou accompagner l’impact de ses réalisations.

D’un point de vue fonctionnel, la municipalité de Newham souhaite favoriser l’implantation d’un ou plusieurs hypermarchés, absents de Stratford City, afin de promouvoir la complémentarité de l’offre commerciale du centre-ville plutôt que de chercher à lutter contre Westfield Stratford City. Une telle orientation passerait par une restructuration complète de l’îlot moderniste (centre commercial, tour de bureaux désertée, parking à étages et passerelles multiples en un quartier urbain dense et perméable, ancré par un hypermarché et constitué d’allées et d’îlots ouverts, reste toutefois à trouver un investisseur et exploitant qui prenne le risque. Un projet a été déposé en ce sens pour la construction d’un complexe de tours résidentielles dessiné par Allies and Morrison en 2009. Dans les négociations, la restructuration du centre commercial est cruciale. Mais le climat économique et financier n’incite pas le promoteur à modifier ses plans ; le projet, du nom de Broadway Chambers, sera résidentiel comme tous les autres. L’avenir de ce qui constituait le cœur de Stratford reste donc incertain et pour le moment les indices convergent vers une résidentialisation progressive, l’émergence d’un nouveau quartier dortoir pour une population occupant des emplois situés à l’extérieur de Stratford. L’espoir pourrait toutefois provenir de l’investissement consenti par deux universités. L’University of East London investit pour étendre son campus à l’intérieur du centre-ville (8 300 m² de locaux sont en construction en 2011) et University College London (UCL) est en discussion pour construire un nouveau campus en lieu et place du Carpenters Estate.

Le promoteur maître des transformations paysagères et sociales

Entre 2005 et 2011, de très nombreux projets résidentiels sont réalisés sans coordination. C’est, une fois encore, hors du centre de Stratford que les transformations ont été les plus spectaculaires. L’axe de High Street, vers le sud-ouest en direction de l’autoroute A12, est le théâtre d’une verticalisation : les tours résidentielles s’y sont multipliées sans qu’équipements collectifs et activités commerciales ne suivent.

Les caractéristiques de ces nouveaux logements indiquent clairement que les promoteurs ont avant tout souhaité répondre aux ménages prospères et de petite taille sans répondre aux problèmes du manque de logements sociaux dont Stratford souffre. À l’intérieur du site olympique, seuls 25% des logements sont à caractère social. À l’extérieur, le long de High Street (A11), sur un total de 2 500 logements livrés en 2010-2012, seuls 18% ne seront ni vendus ni loués au prix du marché. C’est finalement proche de ce que la loi SRU exige des municipalités françaises, mais, du fait des prix exhorbitants de l’immobilier londonien et de la faiblesse relativement du volume de construction de logements, c’est très insuffisant. Nous sommes loin en effet des objectifs fixés par la directive du logement contenue dans le plan stratégique du Grand Londres. Cette politique stipule que 50% des logements construits doivent être "abordables" : 70% de ces logements doivent être des logements sociaux (loyer bas ou plafonnés à 80% du prix du marché) et 30% des logements "intermédiaires", dont la propriété partagée.

Mais l’urbanisme anglais est souple et le London Plan ne déroge pas à la règle en permettant aux promoteurs de négocier lorsqu’ils ne peuvent respecter certaines conditions stipulées [24]. Une analyse du projet de Broadway Chambers à l’extrémité nord de High Street révèle que certains projets déposés sont approuvés sans qu’ils soient conformes à la politique du logement du London Plan. Seuls 10% des logements proposés sont "abordables". C’est non seulement très inférieur à ce qui est souhaité, mais moins encore que ce que le promoteur annonçait lors du premier dépôt de la demande de permis de construire. La LTGDC et le Grand Londres regrettent le faible nombre de logements "abordables" mais accordent tout de même le permis de construire. Le surcoût généré par le choix de deux tours en période de crise et le soin apporté à leur dessin architectural compensent, selon eux, le manque de logements "abordables" [25]. Broadway Chambers est emblématique des projets déposés depuis 2004/2005. Il révèle d’abord le déséquilibre des pouvoirs dans l’urbanisme anglais. Il est en effet devenu dépendant du secteur privé pour la réalisation du renouvellement urbain mais aussi, de plus en plus, pour sa planification.

La planification se déroule en effet dans un environnement très souple pour les promoteurs, les différents critères à l’aune desquels on évalue les projets privés se compensent, si bien que finalement, ce sont les promoteurs qui maîtrise le territoire. Il révèle alors comment l’agenda des promoteurs, soucieux de dégager le plus grand profit des sites qu’ils ont parfois dû décontaminer, s’impose aux pouvoirs publics qui ne peuvent plus que discourir de façon elliptique sur le renouvellement urbain. Le projet annonce enfin une redéfinition de la hiérarchisation des critères d’évaluation des projets privés. En l’absence de grands projets publics susceptibles de marquer leur territoire, les pouvoirs publics se replient sur l’instrumentalisation de l’architecture des nouvelles constructions au risque de ne pas répondre aux aspirations de la population locale. À l’ère de l’image et du marketing urbain, c’est donc la transformation de la physionomie des lieux qui prime sur leur contenu.

CONCLUSION


La "course de vitesse" engagée dans la perspective des JO 2012, qu’elle se soit manifestée dans la rapidité des procédures d’urbanisme, des expropriations et des constructions mais aussi dans la peur générée par les discours sur les 'éléphants blancs' et l’incapacité du système "traditionnel" à livrer en temps et en heure de grandes opérations d’aménagement, place l’élaboration et la réalisation des projets dans un état d’urgence. Un état qui facilite le recentrage du portage du projet ainsi que sa livraison sur un petit nombre d’acteurs : le Grand Londres et les promoteurs. Les JO se feront donc à Stratford, mais c’est un Stratford réinventé qui sera présenté au monde pendant l’été 2012 et qui s’imposera aux populations locales au cours de la prochaine décennie. Une réinvention territoriale finalement symptomatique de l’urbanisme londonien mais qui se singularise toutefois par la vitesse des transformations associées à l’organisation d’un événement devenu enjeu économique.
Manuel Appert
Université de Lyon 2
Extraits : le texte original avec photos et cartes :
Géoconfluences |  janvier 2012
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Des Jeux, pour QUI ?


Les journalistes anglais les plus critiques dénoncent parmi les points les plus controversés de l'organisation des JO, les prochaines difficultés concernant la probable saturation des axes de circulation et des transports publics, et l'élitisme autoritaire du CIO, privilégiant les classes supérieures internationales, qui formeront la plus grande part des spectateurs. Philip Stephens, journaliste au très sérieux Financial Times, assure ainsi que


" Les voitures seront interdites pour tous, hormis les privilégiés, et la municipalité de Londres reconnaît que les transports publics vont avoir du mal à répondre aux besoins des spectateurs des JO et surtout des usagers quotidiens. Les transports ne fonctionneront que si les Londoniens cessent de se rendre à leur travail. Ceux qui ne pourront pas prendre de congés à ce moment-là sont invités à travailler depuis chez eux. Même dans ces conditions, les déplacements s'effectueront à une allure d'escargot. Le temps de voyage depuis le centre-ville jusqu'au stade olympique devrait être de trente-cinq minutes en métro. Les autorités affirment qu'une fois les mesures de contrôle des foules et de sécurité en place, il faudra compter plus de deux heures. 


Tout cela n'a qu'un seul but : faciliter la vie à cette élite privilégiée qu'on appelle la "famille olympique". Je ne parle pas des sportifs. On conçoit parfaitement que les coureurs, les cavaliers et les rameurs soient choyés. Non, la "famille" comprend les 40 000  – vous avez bien lu : 40.000 – gros bonnets des JO, bureaucrates nationaux, partenaires, parasites et autres politiques qui s'apprêtent à occuper les meilleures places de tous les meilleurs évènements. Ces oligarques du sport ont déjà accaparé la moitié des chambres d'hôtel à peu près décentes de la capitale. Ils vont filer depuis leurs hébergements olympiques sur les 160 kilomètres de voies Zil [du nom des voitures des officiels], réservées sur un réseau routier congestionné. 4.000 chauffeurs assureront le transport de 40.000 officiels, bureaucrates, politiciens et personnalités. Ils seront en mesure d'utiliser un système de voies spécialement construites pour l'évènement dans les rues de Londres. Les touristes les plus riches pourront aussi emprunter ces voies s’ils acceptent de s’acquitter de 20.000 livres (environ 24.000 euros) pour s’offrir le pass VIP. Plus de 1 million de familles ordinaires n'ont pu obtenir une seule entrée, même pour les épreuves d'ouverture des sports olympiques les plus obscurs. Ceux qui ont la chance d'avoir obtenu des tickets lors du tirage public risquent fort de voir les infrastructures londoniennes, déjà sursaturées, craquer sous le poids des visiteurs.  Mais les 40 000 privilégiés n'échapperont pas entièrement aux désagréments qu'ont à subir tous les autres. La plupart d'entre eux vont arriver via Heathrow, ce sinistre ensemble de hangars surpeuplés qui passe pour le principal aéroport de Londres. Ils y feront l'expérience de la congestion, des queues et des retards dont Heathrow s'est fait une spécialité. Lors de ma dernière visite, le passage aux services d'immigration et à la livraison des bagages a pris deux heures. " 




 Philip Stephens | Financial Times
15.11.2011 
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Notes

[1] Manuel Appert, maître de conférences, Université de Lyon (Lyon 2), UMR 5600 "Environnement, Ville, Société" (EVS), http://ghhat.univ-lyon2.fr/spip.php?article379 / Manuel.appert@univ-lyon2.fr
[2] Les sites olympiques : www.london2012.com/venues
[3] 9,3 milliards de livres et un taux de change à 1,15 euros pour une livre en septembre 2011.
[4] Transport for London est l'organisme public local responsable des transports en commun de la ville de Londres (Greater London Authority).
[5] La LDA était l’agence régionale de promotion économique de Londres. Dans le cadre de la réforme de l’abolition des agences régionales, elle ferme en 2012.
[6] La Greater London Authority (GLA) ou Grand Londres est l’autorité responsable de la ville de Londres. Elle est créée à la suite d’un référendum en 2000 et se compose d’une assemblée et d’un maire. Depuis sa création, de nombreuses compétences et moyens lui ont été transférés. Le territoire de la GLA couvre un peu moins de 1 600 km² pour 7,6 millions d’habitants en 2009. Il est composé de 32 arrondissements ou boroughs auxquels s’ajoute la City.
[7] La London Thames Gateway Development Corporation est un organisme public financé partiellement par le ministère de l’aménagement (Department for Communities and Local Government, DCLG). Ses membres, nommés par le ministère, ont pour mission de planifier la partie londonienne de Thames Gateway (opération de renouvellement urbain de l’estuaire de la Tamise) et gérer les permis de construire autour du site olympique et plus généralement dans la vallée de la Lea, les Royal Docks et Beckton.
[8] Docklands Light Railway, métro automatique léger construit à partir de 1987 pour désenclaver les docklands en reconversion.
[9] London Overground est une société d’exploitation des services ferroviaires du Nord et de l’Est de Londres. Elle exploite l’ancienne North London Railway et la East London Line. Transport for London reste responsable de la tarification, du matériel roulant et des niveaux de services.
[10] Voir le plan de transport pour les JO 2012, www.london2012.com/.../transport-plan.php
[11] Pour suivre l’état des travaux : www.london2012.com/latest-progress
[12] Olympic Delivery Authority > Planning Decisions Team, www.london2012.com/planning
[13] Le stade de Wembley a été livré, en 2007, 17 ans après son dessin, deux fois plus cher, sans la piste d’athlétisme prévue à l’origine, ni suffisamment de places de stationnement et un gazon de qualité médiocre. Quant au Dôme du Millénaire (1999), l’un des grands projets culturels de l’ère Blair, il a été très rapidement considéré comme un 'éléphant blanc', un investissement public prestigieux qui s’est avéré plus coûteux que bénéfique et dont l’entretien est resté un fardeau financier pendant sept ans. Il est aujourd’hui exploité par une enterprise privée qui l’a transformé en centre de loisirs doté d’une salle de concert de 20 000 places très profitable.
[14] Olympic and Paralympic Village, www.london2012.com/athletes-village
[15] "Olympic Village snapped up by Qatari ruling family for £557m", Julia Kollewe, guardian.co.uk, 12 août 2011, www.guardian.co.uk/sport/2011/aug/12/olympic-village-qatari-ruling-family
[16] Marché International des Professionnels de l’immobilier qui se tient chaque année à Cannes.
[17] Selon les auteurs, les opérations de renouvellement urbain soutenues par l’État et le Grand Londres sont de nature à favoriser la gentrification et le déplacement des populations en place. La recolonisation de Londres par les classes moyennes et supérieures depuis les années 1990 serait permise par la construction de complexes résidentiels de standing par les promoteurs. Ils seraient alors soutenus politiquement par toute la législation mise en place pour favoriser la mixité, la densité et plus généralement la durabilité (environnementale).
[18] Olympic Park Legacy Company > Investment Opportunities,
[19] Des explications sur cet indice de précarité à propos du cas de la Campanie italienne,
[20] L’Office for the Deputy Prime Minister, remplacé en 2006 par le Department for Communities and Local Government, est le ministère en charge de l’aménagement et des gouvernements locaux.
[21] "Stratford City: Open for business", Laura Chesters, The Independant, 18 Septembre 2011,
[22] Les plans masses sont un ensemble des documents d’urbanisme, richement illustrés, qui coordonnent et harmonisent en amont les plans individuels de construction d’un espace à aménager. Ils peuvent être élaborés par les municipalités et/ou les promoteurs privés.
[23] La propriété partagée ou shared ownership, consiste à acheter auprès d’un promoteur une part d’un logement (entre 25 et 50%) en échange d’un loyer faible sur une durée fixée dans le contrat. Seuls les ménages aux revenus suffisants sont éligibles. Ex : pour un deux pièces de 400 000 euros, un ménage doit emprunter 100 000 euros pour acheter 25%, payer un loyer de 500 euros (+ la totalité des charges de copropriété) et disposer d’un revenu minimum de 45 000 euros/an.
[24] Extrait de la politique du logement du London Plan, Policy 3A.10 :
Boroughs should seek the maximum reasonable amount of affordable housing when negotiation on individual private residential and mixed-use schemes, having regard to their affordable housing targets adopted in line with Policy 3A.9, the need to encourage rather than restrain residential development and the individual circumstances of the site. Targets should be applied flexibly, taking account of individual site costs, the availability of public subsidy and other scheme requirements.”
[25] Extrait de l’évaluation par la LTGDC du permis de construire de Broadway Chambers :
The high rise nature of the scheme, and quality of external design and finishes required provide a high level of cost at a time when revenues from the sale of completed private units have diminished significantly.”


Webographie

- Site officiel, en français, de Londres 2012, www.london2012.com/fr
- L’Olympic Park Legacy Company, www.legacycompany.co.uk
- La London Thames Gateway Development Corporation, http://ltgdc.org.uk
- La mairie de Londres (GLA), www.london.gov.uk
- La municipalité de Newham, ww1.newham.gov.uk/Pages/default.aspx
- Une veille critique de la planification des JO 2012 par des chercheurs et des activistes mobilisés. Ils obtiennent et mettent en ligne des informations fournies par les pouvoirs publics dans le cadre de la loi sur la liberté d’information (Freedom of Information Act), www.gamesmonitor.org.uk
- Le blog, informatif et critique du Guardian, www.guardian.co.uk/sport/london-2012-olympics-blog
- L’actualité de la manifestation sportive,
- London Olympics 2012, une sélection de photos du site olympique sur Flickr, clichés de Manuel Appert,
- Des photos du Clays Lane Estate,












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