VELO PORTABLE








L'on observe dans plusieurs métropoles d'Europe, l'engouement des citadins pour le vélocipède pliable ; à Bruxelles, nul besoin de consulter les statistiques pour constater de visu leur nombre augmenter. Snobisme écolo, effet de mode lié à la conjoncture économique, ou phénomène plus structurel palliant les difficultés de mobilité urbaine, et de l'habitat ?

A Londres où le phénomène est le plus remarquable, un reportage de CNN titrait : Folding bikes revolutionize Communting (le vélo pliable révolutionne les déplacements domicile-travail) et pour ce type d'utilisation le folding bike prend le nom de commuting bicycle. Aux Pays-Bas, le parti politique Vert GroenLinks appelle à promouvoir le principe du "Groen Reizen" (déplacements domicile-travail Verts) – le Bike to Work est lui à la mode en Europe - accordant un rôle-clé au « système » vélo portable – transports public et privé.

A défaut d'études sérieuses – l'urbanisme théorique en France et en Belgique est muet sur ce sujet - nous avons consulté les forums Internet dédiés au folding biking, interrogé vendeurs spécialisés et principaux intéressés : leurs usagers. 


THOMAS HIRSCHHORN




Musée précaire Aubervilliers 2004 | Photo : Les laboratoires d'Aubervillers


« Je ne fais pas un travail politique,
je travaille politiquement.»

Thomas Hirschhorn

En 2004, l'artiste Thomas Hirschhorn inaugure avec les habitants de la cité Albinet, dans le quartier du Landy, à Aubervilliers, à un jet de pierre du Stade de France, le Musée Précaire Albinet. Un musée provisoire (avril - juin 2004)  présentant successivement des oeuvres originales de huit artistes : Kasimir Malevitch, Salvador Dali, Le Corbusier, Piet Mondrian, Fernand Léger, Marcel Duchamp, Joseph Beuys et Andy Warhol. Des oeuvres prêtées par le Centre Georges Pompidou et le Fonds National d'Art Contemporain : des oeuvres au pied d'une barre HLM, dans un Algeco prolongé par des constructions de bric et de broc, dont la vocation était de « faire exister l’art au-delà des espaces qui lui sont consacrés » : L’important était d’avoir arraché des tableaux originaux d’une valeur inestimable, commente le provocateur *.

Musée précaire Aubervilliers 2004 | Photo : Les laboratoires d'Aubervillers

Peter SLOTERDIJK | CRYSTAL PALACE




Crystal Palace de Sydenham | Projet de reconstruction 2013


De notre temps s'est produite une terrible révolution, et la bourgeoisie a pris le dessus. 
Avec elle sont apparues des villes effrayantes, dont personne n'avait eu l'idée même en rêve. 
Des villes comme celles qui sont apparues au XIXe siècle, l'humanité n'en avait jamais vu jusqu'alors. Ce sont des villes avec des palais de cristal, des expositions universelles, des banques, des budgets, des rivières polluées, des débarcadères, des associations de toutes sortes, et autour d'elles des fabriques et des usines.
Fiodor Dostoïevski
Journal d'un écrivain de 1876

La prochaine reconstruction du Crystal palace (celui de 1854) à Londres, a été annoncée cet automne par le maire Boris Johnson, et son promoteur milliardaire chinois. L'occasion  de publier ce texte, un chapitre de Sphères IIdu philosophe Peter Sloterdijk* qui nous « parle de cette idée selon laquelle la civilisation occidentale est un palais de cristal », à l'image du Crystal Palace, édifice de verre et de métal tel qu'il fut bâti en 1851, pour accueillir la toute première exposition universelle, ancêtre lointain des parcs d'attraction et autres Disneyland d'aujourd'hui. Produits du « capitalisme psychédélique ».

Nous pensons plutôt que l'opacité et la bunkérisation (celle des murs des frontières, des enceintes des gated communities, de l'architecture introvertie des centres commerciaux, etc.) sont caractéristiques de la post-modernité, et seul le gigantisme est l'héritage de ce premier édifice "moderne". Nous avons annoté son texte de commentaires, précisions et remarques, agrémentés d'illustrations, et d'une sélection de ebooks gratuits concernant Londres au 19e siècle.



PIRANESE




David Green, Ron Herron, Living Pod | 1966
Gravure Piranesi | 1756

« Si ces Prisons longtemps relativement négligées attirent comme elles le font l'attention du public moderne, ce n'est peut-être pas seulement, comme l'a écrit Aldous Huxley, parce que ce chef-d'oeuvre de contrepoint architectural préfigure certaines conceptions de l'art abstrait, c'est surtout parce que ce monde factice, et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane, n'est pas sans nous rappeler celui où l'humanité moderne s'enferme chaque jour davantage, et dont nous commençons à reconnaître les mortels dangers. »

Marguerite Yourcenar
Le cerveau noir de Piranèse
1959

Nulle trace de cellules dans les Prisons de l'architecte, graveur, Giovanni Battista Piranesi, mais un espace qui nous rappelle l'inhumanité moderne pour Yourcenar, ou un espace infini qui « représente celui de l'existence humaine », selon Manfredo Tafuri. Nées et ignorées [I] au siècle des Lumières, Tafuri estime que ces Prisons expriment les contradictions et l'angoisse de la culture bourgeoise [II], qu'elle tente de compenser par un mécanisme idéologique capable de les réduire provisoirement, et de combler l'abîme entre ses propres impératifs moraux et l'univers de la Nécessité. Selon Tafuri "la phénoménologie de l'angoisse bourgeoise se situe entièrement dans la libre contemplation du destin", et ajoute-t-il, ce besoin de compensation idéologique a cessé peu à peu d'être fonctionnel. 

Ainsi, la formation intellectuelle de l'architecte "éclairé" comme idéologue et thérapeute du "social", plus que de la forme, dont l'apogée se situe à l'époque de la République de Weimar et de Le Corbusier, héritier des Lumières, prend fin avec la post-modernité.  Il était dès lors logique que les Prisons infernales et autres gravures de Piranesi resurgissent au sein des courants post-modernes de l'intelligentsia architecturale mondialisée, mais au contraire des siècles précédents, pour sinon justifier, mais exalter, sublimer, exacerber les chaos du monde d'aujourd'hui, et approuver - avec cynisme, hypocrisie, ferveur ou silencieusement  - l'oeuvre destructrice d'un nouvel âge du capitalisme, auquel il ne serait question de résister, et d'opposer une quelconque alternative.




G. Aimé | Mai 68





Nanterre La Folie

Gérard Aimé

Rares sont les Révolutions, les guerres de Libération, les insurrections, depuis l'après guerre et dans le monde entier, qui n'ont pas comme noyaux ou détonateurs, et principaux protagonistes, la jeunesse étudiante et les plus jeunes universitaires. Des exceptions confirment bien sûr la règle, mais c'est bien une caractéristique commune pour la plus grande majorité d'entre elles. En 1966, Gérard Aimé est étudiant dans la nouvelle université de Nanterre, témoin des préludes contestataires de 1967 qui annoncent janvier 68 (mai 68 commence à Nanterre, et non à la Sorbonne, Baudrillard), puis mai 68. Ses clichés illustreront par la suite la presse underground et gauchiste (La Cause du Peuple, Rouge, Révolution, etc.). Ces précieux témoignages, des centaines, sont regroupés dans une photothèque, à cette adresse :
www.gerard.aime.com 





BELGIQUE | Cellules Communistes Combattantes




Cellules Communistes Combattantes
Entretien avec Bertrand Sassoye
2013


L'histoire de la guérilla révolutionnaire en Europe de l'Ouest fait toujours l'objet d'un véritable refoulement. Les causes de cette amnésie proviennent, à divers degrés selon les pays, d'un cadre législatif oppressif, limitant le droit aux anciens militants de s'exprimer sur leur passé révolutionnaire (en France de “s’abstenir de toute intervention publique relative à l’infraction commise”[1]), interdisant la remise en question de l'historiographie “officielle” (en Allemagne ceux qui affirment publiquement que les prisonniers de la Fraction Armée Rouge détenus à Stammheim ont été «  suicidés  » peuvent être poursuivis et condamnés suivant le §90a du code pénal ''insulte à l'Etat'' ou suivant le §129 “propagande pour une organisation terroriste”), ou bien encore en accordant une remise de peine à un prisonnier politique qui renie publiquement son engagement dans la “violence armée”, le "terrorisme" (en Italie, loi sur la “dissociation” de 1987).

Cette forme insidieuse d'état d'exception laisse ainsi aux journalistes, spécialistes et historiens anti-révolutionnaires (capitalistes et communistes), la plus grande liberté d'expression, refusée à d'autres, un espace public hégémonique – dans le sens de Gramsci - pour l'élaboration, la production historiographique, mémorielle – et “émotionnelle” - d'un passé conforme à l'idéologie dominante [2] et pour sa diffusion. Cette hygiénisation ou hypertrophie historiographique complète les dispositifs judiciaires visant à littéralement s'acharner contre d'anciens militants aujourd'hui inoffensifs citoyens (les extraditions par exemple), à les maintenir en prison pendant des décennies (24 ans pour Jean-Marc Rouillan, 30 ans pour Georges Ibrahim Abdallah, etc.). Au-delà, l'«  affaire Tarnac  » démontre à l'évidence, l'appréhension des gouvernements de voir surgir des cendres politico-idéologiques d'hier, des groupes radicaux, ou selon le philosophe Agamben «  que les peuples eux-mêmes se radicalisent devant l'évident scandale qu'est l'ordre présent des choses.»


LEFEBVRE | MOURENX Ville Nouvelle








Henri LEFEBVRE
Septième Prélude : Notes sur la ville nouvelle [1]
avril 1960

À quelques kilomètres des tours et des blocs de la Ville nouvelle somnole mon vieux village. En quelques minutes, je vais de ma maison vétuste jusqu’aux derricks, jusqu’à la cité sans passé. De N., dont le caractère médiéval n’éclate pas aux regards (le bourg fut construit avec une certaine régularité au XIVe siècle, à la tête d’un pont sur le Gave, passage d’une route allant du Puy à Saint-Jacques-de-Compostelle, sur l’emplacement d’un hameau plus ancien ; ce fut une ville alors nouvelle, reconstruite deux siècles plus tard avec une régularité encore plus géométrique et ceinturée de remparts à l’italienne), de Navarrenx, je connais chaque pierre.





Afrique du Sud | Insurrections Urbaines | 1984 - 1987






David Goldblatt


« C’était la réalité et la menace de la lutte armée qui avaient amené le gouvernement au seuil des négociations.»

Nelson Mandela
Prix Nobel de la Paix


UMKHONTO WE SIZWE 
INSURRECTIONS URBAINES| 1984 - 1987


Ce quatrième opus consacré à Umkhonto We Sizwe concerne la période des grandes insurrections urbaines que connut l'Afrique du Sud entre septembre 1984 et 1987. 



Allemagne | UTOPIES POLITIQUES en MAQUETTES HO






Die Linke | Maquette Politique 2013 | Miniatur Wonderland 


En 2009, année des élections législatives, le musée Miniatur Wonderland à Hambourg, exposant le plus grand réseau de train miniature au monde, avait invité les six grands partis politiques de l'Allemagne à conceptualiser leur programme politique par une maquette miniature de 1m². En 2013, Miniatur Wonderland a renouvelé cette expérience, et selon les directives précises de leurs représentants, et en travaillant en étroite collaboration, les maquettistes ont concrétisé, modélisé à l'échelle HO, toujours sur 1 m², leurs visions utopiques d'un futur souhaitable pour une Allemagne parfaite.  Frederick Braun, co-fondateur de Miniatur Wonderland justifie ainsi cette expérience peu commune : “ En ces temps d'apathie politique, je voulais que nos visiteurs aient un aperçu divertissant et complètement différent des programmes électoraux des partis politiques." Les modèles sont exposés en ce moment même, jusqu'au 22 septembre, et les visiteurs ont la possibilité de voter.

Les architectes pourront apprécier et constater avec effarement des visions utopiques proposant toujours et encore une architecture folklorique historique faisant du passé un environnement urbain le plus souhaitable possible (y compris pour les Verts). Die Linke [le Front de Gauche allemand], partisan de l'éco-socialisme, propose cependant quelques cabanes sophistiquées perchées dans les arbres, des usines culturelles et la défense des squats, et la fin des caméras de surveillance dans les villes.

David HARVEY | Imagination Post-Capitaliste

 

 
« Nous cherchons toujours à évoluer en partant du principe qu’il faut que les chiffres augmentent. Pourtant, l’Histoire nous apprend que nous persistons souvent dans les erreurs du passé. C’est parce que notre notion de progrès est linéaire : chaque pas s’inscrit dans la direction du précédent. Et l’erreur grandit à chaque enjambée. Notre société semble incapable d’envisager l’existence d’un autre avenir. »
Jaime Serra*

« ...pendant très longtemps on nous a bourrés le crâne avec l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. L’une des premières choses que nous devons faire est de penser l’alternative pour pouvoir commencer à la construire. »
David Harvey


Quel monde alternatif post-capitaliste pourrions-nous imaginer ? 

David Harvey analyse ici la façon dont les contradictions du capitalisme – dont celles concernant le logement et le salaire – indiquent la voie vers un monde alternatif. Entretien avec le géographe David Harvey réalisé en août 2013 par la revue anglaise Red Pepper, traduit par le site belge Avanti4.  



FRANCE 2025


Haus Rucker Co |  O2 Reservat | 1970s


« Entre les 6 millions de logements construits jusqu'en 2025, pour l'essentiel en densification du bâti existant, dont près de 2 millions de logements sociaux en partie sur les terrains publics et les 2 millions de logements vacants en 2013 remis progressivement sur le marché, chacun dispose d'un toit et d'un environnement de qualité. »
Cécile Duflot
Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement


Les contributions des ministres à la question du président de la République « Décrivez votre vision de la France en 2025 » sont de simples exercices de "vacances" sans autre prétention que d'imaginer, plutôt que d’étayer avec toute la rigueur que cela exige, un avenir probable ; il convient donc de relativiser leur portée. Néanmoins, ces documents confidentiels [1], car s’adressant uniquement au cercle restreint des membres du gouvernement, donc débarrassés de la moindre trace démagogique, de l'auto-censure qui empêche de dire certaines choses et des incitations qui encouragent à en accentuer d'autres,  ces  prospectives reflètent les véritables, les intimes convictions ou les aspirations "confidentielles" de leurs auteurs. 

UMKHONTO WE SIZWE | 1964 - 1984



Alf Kumalo | Shoot to kill Soweto 1976


« Nous espérions ainsi amener le gouvernement à la table des négociations. On donna des instructions strictes aux membres de MK :
nous n’acceptions aucune perte de vies humaines.
Mais si le sabotage ne produisait pas les effets escomptés, nous étions prêts à passer à l’étape suivante :
la guerre de guérilla et le terrorisme. »
Nelson Mandela


LA REVOLUTION EN EXIL | 1964 - 1984


Comme tant d'autres révolutions, Umkhonto avait sur-estimé sa capacité à pouvoir « entraîner » les populations urbaines dans la lutte armée, et plus que très largement sous-estimé le facteur « temps » pour les convaincre, mais aussi le degré d'inhumanité, de répression et de violence dont pouvaient être capable les forces de la police, et au-delà le terrorisme d'Etat. Défait dans les villes, inexistant dans les campagnes, Umkhonto weSizw décide de s'exiler, et de franchir l'étape suivante : la guerre de guérilla, mais en exil, hors du pays.


UMKHONTO WE SIZWE | Guérilla Urbaine





« Pendant les moments les plus tristes, Amnesty International ne faisait pas campagne pour nous parce que nous avions utilisé la lutte armée et cette organisation ne défendait aucune personne qui avait choisi la violence. C’était pour cette raison que je pensais que le comité Nobel ne retiendrait jamais pour le prix de la paix le nom de l’homme qui avait créé Umkhonto weSizwe. »

Nelson Mandela
Prix Nobel de la Paix


UMKHONTO WE SIZWE 
Guérilla Urbaine 
1961 - 1964


Umkhonto weSizw, [Fer de Lance], l'alliance armée de l'AFrican National Congress [ANC] et du South Africa Communist Party [SACP], fut créé en 1961 sous l'initiative de la jeune garde menée par Nelson Mandela, son premier commandant. Refusant le modèle de Gandhi d'une lutte pacifiste de désobéissance civile, Nelson Mandela préférait les conquêtes militaires de Ho Chi Minh, du Front de Libération d'Ahmed Ben Bella, de Fidel Castro et du commandant Guevara, qu'il citait en exemple [1].

Cette deuxième partie concerne le processus de formation de Umkhonto [ou MK], la période de la guérilla urbaine, jusqu'à sa complète défaite et son exil en Tanzanie amie. Les  larges extraits du récit autobiographique de Nelson Mandela, LONG WALK TO FREEDOM, que nous présentons ici, retracent l'histoire,  et celle de son expérience dans la lutte urbaine menée par les résidents du quartier Sophiatown à Johannesburg, contre leur éviction ; importante car son échec renforça encore sa détermination à engager le processus de la lutte armée : « A un certain moment, on ne peut combattre le feu que par le feu. »

Comité Invisible | Shopping Center Bluewater



Comité Invisible
Organe de liaison au sein du Parti Imaginaire


Rapport à la S.A.S.C. concernant un dispositif impérial.

Reportage rédigé en juin 2001 sur la base 
d'observations réalisées en juillet 1999.

Chapitre extrait de :
Tiqqun 2


Chaque fois que je séjourne à Londres me vient la même question : comment tant de gens peuvent-ils encore supporter de vivre dans une telle ville ? Rien de ce qui fait le quotidien de ses habitants ne semble fonctionner. Ici, chaque jour, des millions de personnes risquent absurdement leur vie en empruntant des moyens de transport à bout de souffle. Si elles ne finissent pas leur trajet dans quelque hôpital crasseux et surpeuplé et qu'elles arrivent à destination, ce ne sera qu'au prix d'inéluctables retards ; ces transportés (pour employé un terme qui évoque d'autres galères) ont perdu jusqu'à la force de se plaindre ; ils tournent leur mauvais sort en dérision et plaisantent sur le fait qu'en 1950, par exemple, se rendre à York ne prenait que deux heures et quart et qu'il en faut plus de six aujourd'hui. Dans un autre ordre de réjouissance, pour célébrer l'avènement du nouveau millénaire, des réalisations festives et culturelle ont été entreprises à grands frais ; le résultat est édifiant : la grande roue, bien nommée The London Eye, oeil unique de ce cyclope cannibale qu'est devenue la métropole, est fermée sine die pour vice de construction la veille de son inauguration ; le Millenium Dome, ce flan avachi hérissé de gressins qui s'étale à l'Est du quartier branché des anciens docks, soulève une répulsion esthétique générale et s'avère techniquement déficient que ses concepteurs ont dû avouer, peu après son ouverture, que ses structures ne résisteraient pas plus de cinquante ans et qu'alors il sera nécessaire de la démolir ; quant au Millenium Bridge, nouvelle passerelle jetée sur la Tamise, le chantier accuse un tel retard qu'on a même parlé de l'abandonner. Tous ces ratés fleurent bon les anciens pays de l'Est et un désenchantement fataliste s'empare des esprits. L'héritage de l'humour soviétique va-t-il bientôt donner un second souffle à l'humour anglais ?

L'Hypermarché et la Désintégration





Mai 68 commence à Nanterre, 
et non à la Sorbonne

Jean Baudrillard
La fin de la modernité où l'ère des simulations
1980

La modernité n'existe plus : tout est actuel. Et tout est rétro. Le moderne et le traditionnel, avec leur opposition claire et intelligible, ont laissé la place à l'actuel et au rétro, dont l'opposition n'est même plus distinctive.


De l’Espace Public à l’Espace Publicitaire




Tous les marketeurs sont les menteurs. Tant mieux, car les consommateurs adorent qu’on leur raconte des histoires.
Seth Godin
(Gourou du marketing et de la communication d’entreprise ) [1]

Jean-Pierre Garnier
De l’espace public à l’espace publicitaire.
Odysseum à Montpellier
L’Homme et la Société | 2009

À l’époque où la critique de la « société de consommation » était à la mode dans les milieux intellectuels français, il était courant parmi les gens, qui, pour une raison (professionnelle) ou une autre (politique), observaient avec attention l’évolution du phénomène urbain, de jeter un regard à la fois consterné et méprisant sur les vastes zones commerciales qui avaient commencé à se développer sur le pourtour des agglomérations. Perçues comme les symboles affligeants du triomphe de la rationalité marchande, il leur était reproché de concourir à une « urbanisation désurbanisée [2] », c’est-à-dire privée d’urbanité, qui faisait perdre à la ville sa qualité d’« œuvre », pour la rabaisser au rang de « produit ». Bref, l’« antiville » par excellence.

FRANCE | Urbanisme Commercial





Raymond DEPARDON | La France

PRÉCISIONS A PROPOS
DE L'URBANISME COMMERCIAL
EN FRANCE
No parking, no business.
Empilez haut et vendez bas.
Supprimez des vendeurs, spécialement ceux qui ne sont que des tueurs de vente ; remplacez-les par des pancartes. La pancarte est le meilleur vendeur : vous ne la payez qu’une fois et elle ne prend pas de vacances.
Bernardo Trujillo | 1950 -1960

Fleurons de l'industrie française, les groupes de la grande distribution ont pu bénéficier, et bénéficient encore aujourd'hui, de la bienveillance de l'Etat, malgré des lois restrictives (notamment en matière d'urbanisme et d'environnement) : il en aurait pu être autrement pour expliquer un constat jugé "alarmant" par... l'Autorité de la concurrence :


En France, 62 % du chiffre d’affaires du commerce se réalisent en périphérie, contre 25 % en centre-ville et 13 % dans les quartiers. Dans les cas extrêmes, la périphérie capte jusqu’à 80 % du marché [Source AdCF, 2012]. Le commerce périphérique étant, bien sûr, constitué quasi exclusivement, de parcs ou zones commerciales, de centres commerciaux, et d'hypermarchés. L’Allemagne présente une configuration qu'il est inutile de qualifier d'équilibrée : 33 % en périphérie, 33 % en centre-ville, 33 % dans les quartiers. A Paris*, l'on observe l'inquiétante domination des deux principaux groupes de la grande distribution, Casino et Carrefour ayant accaparé 80 % de la surface de distribution (70 % du marché), dont  62 % par les enseignes Casino (Monoprix, Franprix, Casino, etc.). Des cas identiques se produisent dans certaines villes de province.   

La périphérie "saturée" (à 62 %) d'hypermarchés et de centres commerciaux, n'intéresse plus autant qu'auparavant les groupes de la grande distribution : à présent, il s'agit de s'attaquer aux centres-villes.  Une stratégie (de la stratégie militaire de Mao-Zedong : contrôler les campagnes et encercler les villes...) plus que facilitée par les grandes opérations d'urbanisme de requalification de quartiers de centre-ville : les zones piétonnes-marchandes s'étendent, contraignant voire interdisant - comme à Paris - les déplacements en automobile, et l'inévitable hausse des loyers chasse de ces zones franchisées, les commerces indépendants traditionnels. Le terrain est, pour ainsi dire, mis à disposition pour que les grands groupes de la distribution investissent en toute quiétude la ville, comme ils ont massacré, jadis,  la périphérie, avec le consentement du politique. 

Un article de Yann Tanguy, au titre évocateur, Quand l'argent fait la loi, le cas de l'urbanisme commercial, accusait une corruption quasi institutionnalisée, admise publiquement (le député Jean-Louis Masson défia ses collègues parlementaires de venir déclarer que leur formation politique n'avait pas reçu d'argent par ce « canal »), et il proposait aux législateurs, à défaut de légiférer efficacement, d'intituler les lois concernant le commerce et l'artisanat  : « Loi sur le financement complémentaire des partis politiques. »  


USA | PRIVATOPIA




USA | Sun City Arizona
Photograph by James P. Blair

Marco d'Eramo
From Minnesota to Arizona

Du Minnesota à l'Arizona
Le rêve américain d'une ville sans ville.
2007


MINNESOTA : LE MALL QUI A AVALÉ L'AMÉRIQUE


Au coeur d'un paysage plat comme une table de billard, avec une température avoisinant les – 20° C., les Twin Cities de Minneapolis et de Saint Paul semblent une destination touristique pour le moins improbable en plein mois de janvier. Et pourtant, au plus dur de l'hiver glacial de la Snow Belt, elles attirent encore plus de 100.000 touristes par jour, 3 millions par mois, qui font parfois le voyage depuis le Japon ou la Corée. Ils ne viennent pas pour le fleuve Mississipi, ni pour le joli centre-ville de St Paul, conservatrice et germanique, ni, sur l'autre rive du fleuve, pour le dynamisme de Minneapolis, social-démocrate et scandinave, la patrie de Prince. Ils viennent pour une étrange entité plantée au milieu de nulle part, à une quinzaine de kilomètres des deux centres-villes, dans la banlieue de Bloomington, stratégiquement située à proximité de l'aéroport international, auquel elle est désormais reliée par une ligne de métro.


MALL | Centre Commercial




LIFE Magazine | 1954 | Northdale


Les premiers centres commerciaux modernes américains étaient-ils "socialistes", s'interroge Marc Berdet, auteur des Fantasmagories du capital.  

En effet, en 1954, 74 % de la population des USA résident dans les banlieues [suburbs], vastes océans de lotissements de résidences et de gated communities, conséquences de l'avidité des entrepreneurs, des spéculateurs, et du système automobile - réfrigérateur - téléphone - télévision. Les edge-cities, outer-cities et autres exurbs, se forment, villes-territoires sous-équipées n'ayant aucun lien organique avec les lointains centres-villes. L'architecte américain Victor Gruen et son associé Larry Smith inventeront alors les malls modernes, une concentration de magasins mais également d'équipements publics, censée offrir aux habitants des immensités résidentielles, un centre de vie, un « condensateur social »,  mis en valeur par une architecture de qualité.

FRANCE | Grands Magasins





Le Grand Magasin
Paris
1836 - 1936


Ne laissons donc pas les économistes prétendre que le fonctionnement des Grands Magasins est démocratique, qu'il sert les intérêts du plus grand nombre, qu'il joue le rôle bienfaisant de la machiné à vapeur dans l'industrie en augmentant la production et en diminuant les frais généraux, bref qu'il fait les affaires de la masse contre une minorité d'intermédiaires parasites.

Brochure d'une ligue syndicale | 1892


Mettre à la portée du plus grand nombre, le maximum de marchandises, dans un même espace couvert et protégé.
Telle est la Loi première du Grand Magasin, aucune autre ne peut la supplanter, et elle l'emporte sur toutes les autres considérations. La simplicité de la formule ne doit pas occulter la complexité des mécanismes commerciaux, de gestion, et de marketing.  Ces premiers discounter de l'ère industrielle ont été ce qu'étaient les hypermarchés des périphéries de l'ère post-moderne. S'adaptant parfaitement aux nouveaux produits de la révolution industrielle, le grand magasin a plus que favorisé l'émergence d'une culture de la consommation, et il est une préfiguration de la consommation de masse, résumée, avec originalité, par R. Sennett :
« Des objets de qualité moyenne vendus à des prix autrefois réservés aux objets de médiocre qualité, des consommateurs dépensant davantage pour posséder davantage : voilà à quoi visait la “standardisation” des biens matériels. Les négociants de l’époque savaient que pousser les gens à acheter cette nouvelle classe d’articles constituait un réel problème. Ils tentèrent de résoudre ce problème en créant une sorte de spectacle dans le magasin, spectacle qui doterait les articles, par voie d’association, d’une valeur et d’un intérêt dont ils étaient intrinsèquement dépourvus.»

Les faillites seront nombreuses, mais les rigoureux, les inventifs, feront fortune considérable [1] :  Jean Jaurès déclarait que cela «  prouve combien est défectueux un mécanisme qui peut ainsi accumuler aux mains d’une seule personne une fortune inouïe... », et ce, au détriment des commerces traditionnels, des fournisseurs, de l'industrie française, des ouvriers, des employés et du consommateur. Et il est remarquable de constater que les critiques d'hier, de plus d'un siècle, peuvent s'appliquer sans peine aux groupes de la grande distribution d'aujourd'hui. 


Christopher ANDERSON | GAZA | BETHLEHEM

2007 | Palestinian day workers crowd into the corral that leads to the checkpoint to Jerusalem


Christopher ANDERSON

Bethlehem | Gaza




CARACAS | - de pauvreté + de violence





Maurice Lemoine


Moins de pauvreté et... une insécurité galopante Caracas brûle-t-elle ?


Le Monde Diplomatique | 2010

Christopher Anderson 

CAPITOLIO | Caracas



Malgré une politique active de justice sociale, le Venezuela affiche toujours un taux d’homicides parmi les plus élevés au monde. Comment s’explique cette violence persistante, que le gouvernement du président Hugo Chávez a longtemps négligée et que ses opposants, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, ne se privent pas d’instrumentaliser ? 

Dans l’expression de son hostilité au Venezuela « bolivarien », le quotidien espagnol El País fait rarement dans la nuance. Mais il lui arrive de se surpasser : « Caracas est une ville sanglante. De ses immeubles coulent des fleuves de sang, de ses montagnes coulent des fleuves de sang, de ses maisons coulent des fleuves de sang (...) (1). »