USINES en VILLES



" Il est maintenant temps de décider s’il faut poursuivre la tendance à expulser l’industrie urbaine de la ville ou de la réintégrer dans l’économie locale."

Cette étude réalisée par le Cities of Making project team nous interroge à double titre ; d’une part sur le rôle et la place de l’industrie en milieu urbain (à Bruxelles, Londres et Rotterdam), et d’autre part sur l’état de la pensée urbaine en France, de l’intelligentsia, qui d’une manière générale se désintéresse prodigieusement de cette question politique, écologique et sociale, pourtant cruciale...

L’étude est en anglais, téléchargeable ici :

https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/cities-of-making-lo-res.pdf


Le site :

http://citiesofmaking.com/project/



Introduction en français :


‘Urban manufacturing’

MARSEILLE | Holger Trülzsch


© Holger Trülzsch, 1984. La porte d'Aix, Marseille.

Marseille photographiée en 1984 par Holger Trülzsch, sculpteur, musicien, peintre, photographe et vidéaste, dans le cadre du programme de la « Mission photographique » de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) [1].

Jean-Paul de Gaudemar, de la Datar, exprimait son point de vue sur la photographie de la porte d'Aix en chantier et plus largement sur l'urbanisation alors en cours à Marseille (extrait) [2] :

" Pour qui connaît Marseille, l'image est saisissante et porte sur l'un des points les plus névralgiques et les plus symboliques de la ville. A gauche, cette sorte d'arc de triomphe, c'est la porte d'Aix où surgit brutalement une autoroute, pénétrant jusqu'au coeur de la ville. Au-delà de cette porte commencent en somme la Provence et les Alpes puisque c'est la principale sortie de Marseille vers le nord. Au fond à gauche, on devine les "barres" des années 1960 construites à la va-vite pour accueillir les milliers de rapatriés d'Afrique du Nord qui se bousculaient sur le port.
A droite, au premier plan, un vieux quartier insalubre longe la rue d'Aix, une sorte de "Barbès" marseillais, depuis longtemps abcès de fixation du débat sur l'immigration maghrébine. Et ce réverbère moderne au premier plan laisse deviner que devant l'image s'est posé Trülzsch, la rénovation est déjà faite. Exact : là est maintenant le nouveau siège du conseil régional, symboliquement situé au centre névralgique de la ville, sur cette butte des Carmes qui fut si souvent dans l'histoire un des bastions ultimes de résistance, mais aussi à la porte de la ville vers le nord, c'est-à-dire le reste de la région non maritime.
Cette rénovation en marche donne le sentiment de contempler une ville qui vient d'être bombardée, une ville usée, fatiguée, au bout du rouleau, comme laminée par son propre territoire.


MARSEILLE | Gated Communities



Marseille | Résidence  privée Roucas Blanc

Fermeture résidentielle et politiques urbaines :  le cas marseillais

À Marseille, la fermeture résidentielle se caractérise ici par une intensité exceptionnelle : 80 000 logements soit 19 % de l’ensemble selon notre enquête. Elle demeure d’abord associée aux aires socialement favorisées (quartiers du littoral sud) où elle atteint 48 % des surfaces urbanisées et jusqu’à 90 % des logements dans les zones de grands ensembles aisés en copropriété du sud de la ville.

Elisabeth Dorier-Aprill
Isabelle Berry-Chikhaoui
Sébastien Bridier
Articulo - Journal of Urban Research | 2012

La spectaculaire expansion mondiale des lotissements résidentiels fermés, sécurisés – dont les espaces communs et équipements internes sont gérés de manière privative – suscite l'attention depuis plus de vingt ans, que cela soit sur le continent américain ou au-delà, notamment au Moyen-Orient et Afrique du sud. La recherche s’est largement focalisée sur les liens que cette expansion entretient avec les inégalités sociales, les problématiques sécuritaires et sur le fait que les enclaves résidentielles renvoient à des dynamiques de territorialisation infra-urbaines marquées par des formes de fragmentations sociale et gestionnaire. Grâce au travail d’un réseau de recherche international peu à peu structuré en Europe, on a pu suivre tant la diffusion mondiale de ce phénomène – d’abord qualifié d’« américanisation » – que la progressive banalisation sociale des fermetures et de leurs contextes. On insistera davantage ici sur les travaux abordant la fermeture résidentielle dans les villes françaises, objet d’un débat scientifique, politique et médiatique dont les termes ont évolué depuis une décennie.
Marseille quartier - alors populaire - de la Joliette-Arenc (périmètre Euromed) |  Architectes : Yves Lion, Roland Castro (!) : l'accès est autorisé aux seuls résidents de cette nouvelle et vaste opération de promotion immobilière - ilôt M5.

VIRILIO | BUNKER ARCHEOLOGIE



Les fortifications du Mur de l'Atlantique - et de Méditerranée -, comme celles des lignes Maginot et Siegfried, bâties pour prévenir une invasion ennemie, n'auront été d'aucune utilité : le Débarquement du 6 juin 1944 rendait caduque le système de défense côtière comprenant 15000 ouvrages bétonnés, ponctué de ports transformés en forteresse. Mais ce Mur n'était pas seulement destiné à contrer une opération militaire ; il s'avère être le premier équipement militaire « moderne » gigantesque, déjà constitué d'« armes invisibles » : les réseaux électroniques de détection, devant assurer la protection de l'Ouest européen, ainsi que la propagande sur l'invulnérabilité de l'ouvrage et du nazisme.


TZIGANES & AVANT-GARDES ARCHITECTURALES



Superstudio
A Journey from A to B
1972



C'est un anniversaire oublié ou passé sous silence car 
il y a 600 ans, en 1418, les premiers « Bohémiens » arrivèrent en France [1] ; 
ils campent vers Aubervilliers en 1427 [2] et ils attirent les foules parisiennes curieuses de les découvrir : six siècles nous séparent, mais les chroniques, la vox populi d’alors s’accordent parfaitement, sont au diapason de celles d’aujourd’hui : l’évêque les chasse de la capitale, au grand soulagement de la population. Les préjugés ont la vie longue et dure...

ANTI-URBANISME et ECOLOGIE | Chronologie





« Non ! le présent ne songe qu'à lui.
Il se moque de l'avenir aussi bien que du passé. Il exploite les débris de l'un et veut exploiter l'autre par anticipation. Il dit : ''Après moi le déluge !’' ou, s'il ne le dit pas, il le pense et agit en conséquence. Ménage-t-on les trésors amassés par la nature, trésors qui ne sont point inépuisables et ne se reproduiront pas ? On fait de la houille un odieux gaspillage, sous prétexte de gisements inconnus, réserve de l'avenir. On extermine la baleine, ressource puissante, qui va disparaître, perdue pour nos descendants. Le présent saccage et détruit au hasard, pour ses besoins ou ses caprices .»
Auguste BLANQUI
La critique sociale
1885




Le présent ouvrage est une chronologie sommaire de l’histoire des rapports entre l’Homme, la Ville et la Nature en France, pour cette large période débutant de la construction de Versailles - ville neuve verte - qui appartient pleinement à la doctrine anti-urbaine, pour se clore avec le gouvernement de Pétain, allié des nazis, également urbaphobes - et urbicides, sur le modèle irréel de Mussolini, précurseur moderne de l’anti-urbanisme autoritaire. D’aucun pourront considérer qu’il est d’une ambition démesurée ; mais, plus modestement, et de manière plus pragmatique, fidèles en ce sens au bricolage inter-trans-disciplinaire que nous avons déjà éprouvé, cette esquisse a été conçue selon les propos de Fustel de Coulanges :
« À en croire certains esprits, il faut borner le travail à un point particulier, à une ville, à un événement… J’appellerai cette méthode le spécialisme. Elle a son mérite et son utilité, elle peut réunir sur chaque point des renseignements nombreux et sûrs. Mais est-ce bien là le tout de la science ? Supposez cent spécialistes se partageant par lots le passé de la France ; croyez-vous qu’à la fin ils auront fait l’histoire de la France ? J’en doute beaucoup : il leur manquera au moins le lien des faits, or ce lien est aussi une vérité historique. » (L’esprit de doute, le spécialisme. Leçon d’ouverture à la Sorbonne).

Un des liens les plus remarquables qui émerge et qui marque cette longue période, est la doctrine anti-urbaine, déclinée sous sa forme la plus radicale en utopies, ou avec plus de modération ou de réalisme en idéologies. L’anti-urbanisme n’est pas une critique contre la ville, mais bien contre leur développement sans fin, leur gigantisme, c’est une remise en cause radicale du fait urbain en tant que tel, et surtout, des relations dépravées, dénaturées entre la trilogie Ville-Homme-Nature ; c’est une proposition alternative au développement urbain non maitrisé, une proposition d’harmonie ou d’équilibre entre Nature et Urbanité, d’une ville autre dotée d’une physionomie autre: lorsque Ebenezer Howard conçoit sa cité-jardin théoriquement habitée par 32.000 habitants, il s’agit bien là d’une ville - une cité - à part entière.


D’où la difficulté de rendre définissable et d’utiliser à bon escient le mot, ou plutôt la notion d’anti-urbanisme et ses dérivés : l’urbanophobie (ou urbaphobie), le désurbanisme, l’anti-croissance (no growth) ou la dé-croissance, la ruralophilie, le naturalisme urbain, la déconcentration urbaine, etc., et dans une moindre mesure l’agoraphobie, et dans un autre registre, l’urbicide et l’écocide. Il serait même possible de le définir dans certains cas, en tant qu’ « urbanisme organique », en référence à l’architecture du même nom - opposée à l’architecture dite fonctionnelle -, pour qui la Nature n’est plus seulement un objet de connaissance, ou bien de modèles, mais de responsabilité, et qui se veut d’être à la mesure humaine avant d’être humaniste.

Quantité Qualité

Anti-urbanisme, sous ce nom - qui ne figure pas dans les dictionnaires - s’accumule une somme d’expériences historiques plus que ne se profile la rigueur d’un concept unique. Elles ne forment pas un corps doctrinal qui relèverait de telle ou telle méthode, de telle ou telle discipline spécialisée : la philosophie, la politique et l’économie politique, l’écologie, la sociologie, l’urbanisme, l’architecture, etc., tout autant que la morale et la religion ; mais l’un de leur principe commun appelle à une harmonie entre les hommes d’une même cité, et d’autres cités soeurs, et un juste équilibre avec leur environnement naturel : pour y parvenir, les cités anti-urbaines (sic), à divers degrés, entendent établir une limitation stricte du nombre d’habitants. La doctrine de l’anti-urbanisme prend donc comme postulat que l’homme n’est plus maître du dessin et du destin d’une ville, des habitants et de son environnement, au-delà d’un certain seuil d’habitants propriétaires ; le problème est éludé par la déconcentration en bâtissant d’autres cités lointaines qui doivent former ensemble un réseau solidaire ; et à la gestion parfaite de la démographie urbaine, s’ajoute pour nombre d’utopies anti-urbaines, la solution préconisée pour certaines, la condition sine qua none pour d’autres : la complète maîtrise des sols par une autorité supérieure, morale, éthique ou politique. C’est une théorie de l’équilibre qui construit les cités idéales : le rapport Quantité Qualité, où l’on tient pour acquis qu’elles sont des entités proportionnelles ou relatives entre elles. L’historien Giulio Carlo Argan affirmait :
« La relation - autrefois proportionnelle, aujourd’hui antithétique - entre quantité et qualité est à la racine de toute la problématique urbanistique occidentale.» (De Storia dell’arte come storia della città, 1983).



FRANCFORT | Aéroport et Luttes Écologiques | 1964 - 2018



Evacuation de la ZAD
Novembre 1981
© Barbara Klemm


C’est le Notre-Dame-des-Landes allemand : l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, fief de la Lufthansa et premier aéroport du pays, oscillant sur le podium européen entre la 2e et 4e place. A chaque décision prise par les autorités de son extension, et ce depuis 1964, un vaste mouvement populaire y répond, et la lutte continue encore en 2018, comme d’ailleurs dans d’autres villes menacées par leur aéroport dévoreur d’espaces le plus souvent boisé ou cultivé. A ce titre, les années de lutte des résistants de Francfort sont considérées en Allemagne comme une sorte de monument historique car en plus d’être la première de ce genre, de par sa longévité somme toute exceptionnelle – avec un âge d’or se situant dans les années 1980 -, de par le nombre de personnes opposées aux projets impliquées dans les dizaines de collectifs occupant plusieurs générations, cette longue lutte ainsi est présentée comme ayant contribué, avec celles des collectifs anti-nucléaires à l’émergence de l’écologie politique et à la naissance des Verts en tant que parti. Et nul n’oublie en Allemagne que cette lutte fut endeuillée par la mort d’un manifestant en 1981 puis de deux policiers tués par un militant en 1987.